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Poeme : La Dernière Prière



La Dernière Prière

Les murs décrépis à l’image de la triste réalité,
Gris et ternes, se rappelant des souvenirs passés,
Affaiblis par des années d’une douloureuse misère,
A se bâtir sur des poussières d’après-guerre.

Il tremble doucement sur sa canne déjà fendue,
Sachant pertinemment que tout est à présent foutu.
Il s’agenouille difficilement, une sincère et ultime fois,
Comme pour finalement trouver le chemin de la foi. .

A l’aube de sa vie, il eut été comme un prophète,
Aux hymnes guerriers et aux croyances fluettes (1) ,
A brandir la vie extraordinaire des joies sommaires,
A clamer que de raison, on ne récolte que la misère.

Il a vécu longtemps, dans l’ignorance d’un lendemain,
A parler fort, à être fier et représenter le bon copain ;
Jusqu’aux jours à l’avant-guerre où il l’a vu et comprit avec ardeur ;
Que de raison, il n’y a de bonne que celle du cœur.

Et il l’a aimé comme un souverain adore son royaume,
Oubliant ses rêves de garçon pour devenir un homme.
Elle était une flamme incombustible (2) , une raisonnable enfant,
Et il comprenait enfin pourquoi ça n’avait jamais marché avant…

Mais la guerre sonna plus fort que les cloches de leur mariage,
L’emportant loin d’elle, dans le bruit mécanique du désossage.
Il rentra « heureusement », sous les cris strident des veuves,
Sa gueule-cassée (3) ne respirant plus que l’horreur et son oeuvre. .

Elle réussit pourtant à le soutenir dans cette épreuve,
Lui apportant avec tendresse l’amour sous mille preuves. .
Elle avait vieille plus vite que de raison, mais il l’aimait,
Comme un soldat aime son étendard de paix…

Aujourd’hui les années s’étaient écoulées tel le fleuve,
Lavant les tranchées du sang impur (4) , terre à la peau neuve.
Mais son cœur, lui, n’avait cessé de battre la rancœur,
D’avoir vu mourir au combat tant d’innocents rêveurs.

Il ne le réalisa pas mais la pendule de l’entrée venait de se stopper,
Comme si elle avait deviné que le temps était compté. .
Maintenant, allongé, il se contracta tout en suffocant ;
Son cœur dans un cri de rage hurlait « je veux rester vivant ». .

Par saccades, il ouvrait les yeux et il lui semblait apercevoir,
Par delà les murs décrépis, une sorte de lumière, d’espoir,
Soudain, il vu se pencher sur lui, le visage de sa dulcinée. .
Il lui sembla qu’elle avait rajeunie, à l’image du passé. .

Alors lui prenant tendrement la main, il murmura,
Dans le dernier souffle de sa vie qui l’anima. .
« Te voilà revenue vers moi, comme tu m’avais manqué !
Enfer ou Paradis, mon ange, tes bras sauront me guider. . »
Melly-Mellow

PostScriptum

(1) fluette = Minces ; frêles, délicates. . Ce terme s’emploie plus pour parler d’une apparence physique que d’une conviction morale mais je trouvais l’association jolie et l’idée que parfois nos idées sont trop « fortes » pour nous m’a plu…
(2) incombustible = qui ne brûle pas.
(3) gueule-cassée = le terme « gueules cassées » désigne les survivants de la première guerre mondiale ayant subi de graves dommages physiques, notamment au niveau du visage. Elle fait référence également à des hommes profondément marqués psychologiquement par le conflit, qui ne purent regagner complètement une vie civile ou qui durent, pour les cas les plus graves, être internés à vie.
(4) tranchés/sang impur = référence à l’hymne national français, la marseillaise.


Ce texte a une double signification : déjà il parle d’amour, mais il parle aussi de la guerre. C’est une sorte d’hommage à une certaine génération qui a connu le conflit et ses abominations, mais aussi un message d’espoir disant que même après avoir vu tant de morts, tant de douleurs, tant de sauvagerie, il reste des occasions d’entrevoir la beauté.
J’ai composé ce texte en écoutant la chanson « Send me an angel » de Scorpions. . Et je trouvais ceci symbolique que l’ange de cet homme reste pour l’éternité sa femme qu’il a chéri toute sa vie malgré avoir été rongé par tant de haine du monde et de soi-même, cette femme qu’il a aimé dès les premiers regards et qui a été la seule à lui faire entrevoir un avenir posé.
Tout son environnement est à l’image de cet homme, il est « gris et ternes » en strophe 1, « fendu » en strophe 2 et « stopper » en strophe 9…
La strophe 6 comporte deux termes que j’aimerai expliquer ici : « dans le bruit mécanique du désossage ». . Ici je voulais accentuer le fait que les soldats tuaient pendant la guerre comme des machines sans coeur. Des bruits qui resteront dans la tête de cet homme plus fort que le bruit des cloches du plus beau jour de sa vie à priori. « Il rentra » heureusement « », le bonheur sera difficile après cette étape dans sa vie, et c’est souligné dès son arrivée par le cri des veuves, il n’a donc pas un instant de répit entre son départ du front et son arrivée chez lui.
En strophe 9, il y a une distinction entre son corps et son âme qui cherchent le repos éternel (par la dernière prière, par le fait de s’allonger) et son coeur qui veut continuer de vivre en battant plus fort. . C’est encore un moyen que j’ai mis en oeuvre pour essayer de dispatcher son amour puissant qui le pousse à vouloir rester en vie pour sa femme et son état de santé actuel.

J’espère que vous aurez apprécié ce texte, qui je le reconnais est très long, mais que j’ai vraiment aimé écrire…


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Poème en Phonétique

lε myʁ dekʁepiz- a limaʒə də la tʁistə ʁealite,
ɡʁiz- e tεʁnə, sə ʁapəlɑ̃ dε suvəniʁ pase,
afεbli paʁ dεz- ane dynə duluʁøzə mizεʁə,
a sə batiʁ syʁ dε pusjεʁə dapʁε ɡeʁə.

il tʁɑ̃blə dusəmɑ̃ syʁ sa kanə deʒa fɑ̃dɥ,
saʃɑ̃ pεʁtinamɑ̃ kə tut- εt- a pʁezɑ̃ futy.
il saʒənujə difisiləmɑ̃, ynə sɛ̃sεʁə e yltimə fwa,
kɔmə puʁ finaləmɑ̃ tʁuve lə ʃəmɛ̃ də la fwa.

a lobə də sa vi, il y ete kɔmə œ̃ pʁɔfεtə,
o imnə ɡeʁjez- e o kʁwajɑ̃sə flɥεtəs (yn) ,
a bʁɑ̃diʁ la vi εkstʁaɔʁdinεʁə dε ʒwa sɔmεʁə,
a klame kə də ʁεzɔ̃, ɔ̃ nə ʁekɔltə kə la mizεʁə.

il a veky lɔ̃tɑ̃, dɑ̃ liɲɔʁɑ̃sə dœ̃ lɑ̃dəmɛ̃,
a paʁle fɔʁ, a εtʁə fje e ʁəpʁezɑ̃te lə bɔ̃ kɔpɛ̃,
ʒysko ʒuʁz- a lavɑ̃ ɡeʁə u il la vy e kɔ̃pʁi avεk aʁdœʁ,
kə də ʁεzɔ̃, il ni a də bɔnə kə sεllə dy kœʁ.

e il la εme kɔmə œ̃ suvəʁɛ̃ adɔʁə sɔ̃ ʁwajomə,
ubljɑ̃ sε ʁεvə də ɡaʁsɔ̃ puʁ dəvəniʁ œ̃n- ɔmə.
εllə etε ynə flamə ɛ̃kɔ̃bystiblə (døks) , ynə ʁεzɔnablə ɑ̃fɑ̃,
e il kɔ̃pʁənε ɑ̃fɛ̃ puʁkwa sa navε ʒamε maʁʃe avɑ̃…

mε la ɡeʁə sɔna plys fɔʁ kə lε kloʃə də lœʁ maʁjaʒə,
lɑ̃pɔʁtɑ̃ lwɛ̃ dεllə, dɑ̃ lə bʁɥi mekanikə dy dezɔsaʒə.
il ʁɑ̃tʁa « əʁøzəmεnt », su lε kʁi stʁide dε vəvə,
sa ɡələ kaseə (tʁwas) nə ʁεspiʁɑ̃ plys kə lɔʁœʁ e sɔ̃n- œvʁə.

εllə ʁeysi puʁtɑ̃ a lə sutəniʁ dɑ̃ sεtə epʁəvə,
lɥi apɔʁtɑ̃ avεk tɑ̃dʁεsə lamuʁ su milə pʁəvə.
εllə avε vjεjə plys vitə kə də ʁεzɔ̃, mεz- il lεmε,
kɔmə œ̃ sɔlda εmə sɔ̃n- etɑ̃daʁ də pε…

oʒuʁdɥi lεz- ane setε ekule tεl lə fləvə,
lavɑ̃ lε tʁɑ̃ʃe dy sɑ̃ ɛ̃pyʁ (katʁə) , teʁə a la po nəvə.
mε sɔ̃ kœʁ, lɥi, navε sese də batʁə la ʁɑ̃kœʁ,
davwaʁ vy muʁiʁ o kɔ̃ba tɑ̃ dinɔsɑ̃ ʁεvœʁ.

il nə lə ʁealiza pa mε la pɑ̃dylə də lɑ̃tʁe vənε də sə stɔpe,
kɔmə si εllə avε dəvine kə lə tɑ̃z- etε kɔ̃te.
mɛ̃tənɑ̃, alɔ̃ʒe, il sə kɔ̃tʁakta tut- ɑ̃ syfɔkɑ̃,
sɔ̃ kœʁ dɑ̃z- œ̃ kʁi də ʁaʒə yʁlεt « ʒə vø ʁεste vivɑ̃t ».

paʁ sakadə, il uvʁε lεz- iøz- e il lɥi sɑ̃blε apεʁsəvwaʁ,
paʁ dəla lε myʁ dekʁepi, ynə sɔʁtə də lymjεʁə, dεspwaʁ,
sudɛ̃, il vy sə pɑ̃ʃe syʁ lɥi, lə vizaʒə də sa dylsine.
il lɥi sɑ̃bla kεllə avε ʁaʒəni, a limaʒə dy pase.

alɔʁ lɥi pʁənɑ̃ tɑ̃dʁəmɑ̃ la mɛ̃, il myʁmyʁa,
dɑ̃ lə dεʁnje suflə də sa vi ki lanima.
« tə vwala ʁəvənɥ vεʁ mwa, kɔmə ty mavε mɑ̃ke !
ɑ̃fe u paʁadi, mɔ̃n- ɑ̃ʒə, tε bʁa soʁɔ̃ mə ɡide. »