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Poeme : Sur La Murette Du Sage



Sur La Murette Du Sage

Sur la Murette du Sage

Derrière la montagne, le soleil se couchant
Aux creux des vallons colore le maquis.
D’un reflet rose,
Sur un ciel bleu, tout embaumé.

Les carabes cuivrés, les abeilles,
Les oiseaux et les papillons s’activent encore.

Là-haut sur la colline
Dans les frondaisons de la forêt,
L’air s’emplit de l’écho du chant sonore des sittèles.

L’agitation du monde me semble si lointaine.

La grande bâtisse un peu délabrée,
Toujours pleine de charme, me fait de l’œil.
Les huisseries écaillées, les gros linteaux de granit,
Les murs de pierres sèches
Les interstices remplis de fleurs, gorgées de soleil.

Et les tuiles rouges du toit presque plat
Sommeillent encore.

Près de la maison, les murettes,
Les grands romarins bien taillés, les escaliers fleuris,
M’accueillent comme Ulysse, après un long voyage.

Chaleur de la pierre, odeurs offertes.

Le bon chien vient vers moi, il me reconnaît.
Tommy, fidèle. Oui, je suis bien Ulysse.
Le Père Badi avait raison.
En contrebas, le gargouillis du lavoir.
Un garçonnet et une fillette,
Jean Jean et Fanfan, courent autour.
Et chassent des papillons blancs,
Mais ceux–ci sont bien trop agiles.

Je suis un peu fatigué.
La poussière du chemin sans doute.

Sur le rebord de la fontaine,
Deux autres gamins sont plus sages.
Ils lisent, rient.
Je sais que ce livre est leur roman. Comment ?
Grâce au Mur où je suis assis,
Sans doute.

La Murette du Sage.

Mais dites, comme c’est bon, là !
Je bois sa douce chaleur.
Par tous les pores de ma peau.
La vieille Mado m’offre un verre de vin
Du Clos Réginu. Elle a toujours vécu ici,
Ça je le sais aussi.

Elle sourit.

Se rides me parlent. L’occhju è rottu !
Oui, ça je le savais aussi.

Son homme près d’elle est si prévenant.
Escogriffe, de velours, Nydåm le Grand,
Sampiero Corso, les oreilles poilues,
Les mains larges comme des bachiles,
Comme de grandes batulles.
Il l’entoure de sa tendresse.
Sa signatora.

Entre les romarins, sous la tonnelle de vignes
Une grande table de bois.
Du lait de brebis, du miel, et aussi du jambon,
Des saucissons, une grosse miche,
Une fiasque de vin, du fromage, des fraises.

Et cette odeur tenace, envoûtante –
Qui ouvre grand mon appétit.
Odeur qui remonte des lentisques, des bruyères,
Des genêts, des lauriers thym, des cytises, des tamaris,
Des prunelliers, des arbousiers.

Et ces deux-là, attablés, sont amants, je le sais.
Pierre et Hélène, ils mangent du raisin.

Les papillons blancs ont les ailes tagués
De souffrances, de regrets,
De cœurs qui saignent, de chagrins.
Ils volent et bruissent près de la grande maison.
Dans tout le jardin.

Leurs écrits sont presque effacés,
Déjà.

Antønje et Petru lisent toujours,
Au fur et à mesure que les mots
De leur roman s’écrivent,
Se gravent, sur les pages.
Ils rient aux larmes. Best Seller.
Et ne s’en alarment.

Maria Helena et U Saviu s’échangent encore des grains de raisin.
Tendrement, comme des colombes.
Les cheveux de cuivre de la belle illuminent le couchant.
Quelle douceur, quel silence.

Juste le son d’une Chjamà e rispondi, un peu plus loin,
Qui nous parvient.
J’y reconnais mes ténors.
Ce n’était pas dans l’Odyssée, mais que m’importe.
Si sbaglia u préte à l’altare…

Ulysse, ou Vévé, je suis entouré
De centaines de papillons blancs,
Graciles, aux ailes maintenant immaculées.

Le sentier, mon chemin, ma route de la Consolation,
A traversé le miroir sans tain, sans un seul bris de glace.

Cela ne me laisse pas froid, bien au contraire.

Ici, au Pays de l’Amour,
J’ai le cœur, chaud, tout gonflé.

Mortimer
Mortimer

PostScriptum

Autre titre par moi parfois donné Nantu à a Muraglietta di u Saviu : sur la Murette du Sage
L’occhju è rottu : le mauvais œil est brisé, conjuré…
Bachile, batulles : grands battoirs de bois
Signatora : femme capable d’exorciser le mauvais œil
Chjamà e rispondi : "En Corse où il ne reste qu’une dizaine de poètes chanteurs pratiquant ces joutes, les soirées chjama e rispondi connaissent un nouvel engouement. La dernière a eu lieu dans la plaine de Peri à l’occasion de la fête de la figue. Une autre se déroulera cet hiver dans la vallée de la Gravona.
Imaginez. Vous partez de l’écorce qui flotte sur le ruisseau et vous en arrivez au taux de participation de l’Etat dans le tour de table de la recapitalisation de la SNCM. L’un d’entre vous plaide pour 25 %, l’autre pour 50. Celui qui souhaite que l’Etat reste majoritaire raille le partisan de la privatisation en l’accusant de vouloir placer ses copains dans l’affaire. L’autre lui rétorque qu’en tant que défenseur d’une Corse autonome, voire indépendante, il est bien ridicule de faire appel à Paris. Et ainsi de suite. Le tout en chanson et en rimes. Un troisième débatteur, puis un quatrième, voire un cinquième, se mettent de la partie, défendant l’un ou l’autre ou encore soutenant un point de vue encore différent. Tout cela au coin d’un comptoir, d’une table de bar. Rythmé éventuellement par une consommation croissante de vin, de pastis, de charcuterie et de fromage.
C’est un peu ça, le chjama e rispondi (littéralement : appel et réponse) . in http : //www. camperemu. com/viewtopic. php ? f=14&t=8186
Certains noms évoqués ici dans mon poème sont vikings, norvégiens, ancêtres présumés de chevaliers normands, eux même ancêtres présumés de siciliens, sardes et autres corses actuels…
Si sbaglia u préte à l’altare : le prêtre, lui, se trompe bien aussi à l’autel…

Bonne lecture


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Poème en Phonétique

syʁ la myʁεtə dy saʒə

dəʁjεʁə la mɔ̃taɲə, lə sɔlεj sə kuʃɑ̃
o kʁø dε valɔ̃ kɔlɔʁə lə maki.
dœ̃ ʁəflε ʁozə,
syʁ œ̃ sjεl blø, tut- ɑ̃bome.

lε kaʁabə kɥivʁe, lεz- abεjə,
lεz- wazoz- e lε papijɔ̃ saktive ɑ̃kɔʁə.

la-o syʁ la kɔlinə
dɑ̃ lε fʁɔ̃dεzɔ̃ də la fɔʁε,
lεʁ sɑ̃pli də leʃo dy ʃɑ̃ sonoʁə dε sitεlə.

laʒitasjɔ̃ dy mɔ̃də mə sɑ̃blə si lwɛ̃tεnə.

la ɡʁɑ̃də batisə œ̃ pø delabʁe,
tuʒuʁ plεnə də ʃaʁmə, mə fε də lœj.
lεz- ɥisəʁiz- ekaje, lε ɡʁo lɛ̃to də ɡʁani,
lε myʁ də pjeʁə- sεʃə
lεz- ɛ̃tεʁstisə ʁɑ̃pli də flœʁ, ɡɔʁʒe də sɔlεj.

e lε tɥilə ʁuʒə dy twa pʁεskə pla
sɔmεje ɑ̃kɔʁə.

pʁε də la mεzɔ̃, lε myʁεtə,
lε ɡʁɑ̃ ʁɔmaʁɛ̃ bjɛ̃ taje, lεz- εskalje fləʁi,
makœje kɔmə ylisə, apʁεz- œ̃ lɔ̃ vwajaʒə.

ʃalœʁ də la pjeʁə, ɔdœʁz- ɔfεʁtə.

lə bɔ̃ ʃjɛ̃ vjɛ̃ vεʁ mwa, il mə ʁəkɔnε.
tɔmi, fidεlə. ui, ʒə sɥi bjɛ̃ ylisə.
lə pεʁə badi avε ʁεzɔ̃.
ɑ̃ kɔ̃tʁəba, lə ɡaʁɡuiji dy lavwaʁ.
œ̃ ɡaʁsɔnε e ynə fijεtə,
ʒɑ̃ ʒɑ̃ e fɑ̃fɑ̃, kuʁe otuʁ.
e ʃase dε papijɔ̃ blɑ̃,
mε sø si sɔ̃ bjɛ̃ tʁo aʒilə.

ʒə sɥiz- œ̃ pø fatiɡe.
la pusjεʁə dy ʃəmɛ̃ sɑ̃ dutə.

syʁ lə ʁəbɔʁ də la fɔ̃tεnə,
døz- otʁə- ɡamɛ̃ sɔ̃ plys saʒə.
il lize, ʁje.
ʒə sε kə sə livʁə ε lœʁ ʁɔmɑ̃. kɔmɑ̃ ?
ɡʁasə o myʁ u ʒə sɥiz- asi,
sɑ̃ dutə.

la myʁεtə dy saʒə.

mε ditə, kɔmə sε bɔ̃, la !
ʒə bwa sa dusə ʃalœʁ.
paʁ tus lε pɔʁə də ma po.
la vjεjə mado mɔfʁə œ̃ veʁə də vɛ̃
dy klo ʁeʒiny. εllə a tuʒuʁ veky isi,
sa ʒə lə sεz- osi.

εllə suʁi.

sə ʁidə mə paʁle. lɔkʒy ε ʁɔty !
ui, sa ʒə lə savεz- osi.

sɔ̃n- ɔmə pʁε dεllə ε si pʁevənɑ̃.
εskɔɡʁifə, də vəluʁ, nidam lə ɡʁɑ̃,
sɑ̃pjəʁo kɔʁso, lεz- ɔʁεjə pwalɥ,
lε mɛ̃ laʁʒə- kɔmə dε baʃilə,
kɔmə də ɡʁɑ̃də batylə.
il lɑ̃tuʁə də sa tɑ̃dʁεsə.
sa siɲatɔʁa.

ɑ̃tʁə lε ʁɔmaʁɛ̃, su la tɔnεllə də viɲə
ynə ɡʁɑ̃də tablə də bwa.
dy lε də bʁəbi, dy mjεl, e osi dy ʒɑ̃bɔ̃,
dε sosisɔ̃, ynə ɡʁɔsə miʃə,
ynə fjaskə də vɛ̃, dy fʁɔmaʒə, dε fʁεzə.

e sεtə ɔdœʁ tənasə, ɑ̃vutɑ̃tə
ki uvʁə ɡʁɑ̃ mɔ̃n- apeti.
ɔdœʁ ki ʁəmɔ̃tə dε lɑ̃tisk, dε bʁyiεʁə,
dε ʒənε, dε loʁje tim, dε sitizə, dε tamaʁi,
dε pʁynεllje, dεz- aʁbuzje.

e sε dø la, atable, sɔ̃t- amɑ̃, ʒə lə sε.
pjeʁə e elεnə, il mɑ̃ʒe dy ʁεzɛ̃.

lε papijɔ̃ blɑ̃z- ɔ̃ lεz- εlə taɡe
də sufʁɑ̃sə, də ʁəɡʁε,
də kœʁ ki sεɲe, də ʃaɡʁɛ̃.
il vɔle e bʁɥise pʁε də la ɡʁɑ̃də mεzɔ̃.
dɑ̃ tu lə ʒaʁdɛ̃.

lœʁz- ekʁi sɔ̃ pʁεskə efase,
deʒa.

ɑ̃tnʒə e pεtʁy lize tuʒuʁ,
o fyʁ e a məzyʁə kə lε mo
də lœʁ ʁɔmɑ̃ sekʁive,
sə ɡʁave, syʁ lε paʒə.
il ʁje o laʁmə. bεst sεlle.
e nə sɑ̃n- alaʁme.

maʁja ələna e y savjy seʃɑ̃ʒe ɑ̃kɔʁə dε ɡʁɛ̃ də ʁεzɛ̃.
tɑ̃dʁəmɑ̃, kɔmə dε kɔlɔ̃bə.
lε ʃəvø də kɥivʁə də la bεllə ilymine lə kuʃɑ̃.
kεllə dusœʁ, kεl silɑ̃sə.

ʒystə lə sɔ̃ dynə ʃʒama ə ʁispɔ̃di, œ̃ pø plys lwɛ̃,
ki nu paʁvjɛ̃.
ʒi ʁəkɔnε mε tenɔʁ.
sə netε pa dɑ̃ lɔdise, mε kə mɛ̃pɔʁtə.
si zbaɡlja y pʁetə a laltaʁə…

ylisə, u veve, ʒə sɥiz- ɑ̃tuʁe
də sɑ̃tεnə də papijɔ̃ blɑ̃,
ɡʁasilə, oz- εlə mɛ̃tənɑ̃ imakyle.

lə sɑ̃tje, mɔ̃ ʃəmɛ̃, ma ʁutə də la kɔ̃sɔlasjɔ̃,
a tʁavεʁse lə miʁwaʁ sɑ̃ tɛ̃, sɑ̃z- œ̃ səl bʁi də ɡlasə.

səla nə mə lεsə pa fʁwa, bjɛ̃ o kɔ̃tʁεʁə.

isi, o pεi də lamuʁ,
ʒε lə kœʁ, ʃo, tu ɡɔ̃fle.

mɔʁtime