Poème:Un Dimanche

Comme tous les Dimanches elle devait préparer le déjeuner,
Un poulet grillé avec des pommes de terre frites,
Trois religieuses, deux éclairs et un Saint-Honoré
Tous achetés après la messe chez le pâtissier émérite.

Elle devait préparer la table, six couverts bien dressés
Autour de six assiettes de porcelaine de Limoges
Que son époux sortait du grand buffet en faisant l’éloge
Des magnifiques fleurs aux couleurs vives esquissées.

Elle regardait ses deux filles avec leurs belles robes du Dimanche,
Leurs petites socquettes qui remontaient jusqu’au genoux,
Sur leurs chignons des petits chapeaux blancs un peu voyous,
Elles s’amusaient à tourner en rond en se tenant les hanches.

Son époux, un sévère notaire, tenait ce jour comme sacrée,
Assis face à sa famille il en devenait le Père nourricier
Tel Jésus face aux apôtres il s’émerveillait de l’ordre établi
Heureux de montrer à ses parents ses assiettes floralies.

Belle maman gloussait devant les pitreries des amusantes rejetons,
Beau Papa félicitait son fils de l’ordre si bien établi dans sa maison,
Tous deux se félicitaient de cette journée de pamoison
Gloussant avec volubilités comme deux orgueilleux dindons.

Elle les vit s’installer autour de la table l’ignorant comme une bonne,
Dans la cuisine elle prit l’aiguille à brider la volaille, puis lentement
Avec un fil de coton elle se cousit les lèvres en serrant les dents,
Dans une casserole qui fit office de miroir elle ne se trouva pas mignonne.

Elle sortit le poulet, les frites de four et entra dans la salle à manger,
Personne ne jeta un coup d’œil sur ses lèvres fermées,
Déjà que d’habitude plus personne ne l’écoutait,
Elle s’installa à sa place, regarda son fier mari découper le poulet.

« Le sot l’y laisse c’est pour ma douce maman,
Les cuisses et le blanc pour mes fifilles,
Les ailes pour papa et moi,
La carcasse pour ma chère épouse. »