Prose:Un Ami Insolite

Il était une fois, une figurine de lutin, bien rangée sur l’étagère d’une boutique de souvenirs. Lutin domestique, il s’ennuyait profondément au milieu des vases, et des bougies, qui du reste, l’ignoraient totalement. Aucun acheteur ne semblait intéressé par ce petit être visiblement inanimé.

Un beau soir d’été, poussé par ses envies de voyage Ludo, le lutin domestique décide de quitter son étagère poussiéreuse. Un ruban lui sert de corde pour parvenir au sol, une aération lui ouvre le chemin de la liberté, et le voilà, parti à l’aventure, sur les routes…

Et un soir… Dans mon appartement j’ai croisé Ludo, qui sortait de derrière mes toilettes. Toute ébahie, j’ai donc entamé la conversation, en lui demandant d’où il arrivait.
« Je débarque par les canalisations, de l’usine de traitement des eaux, qui se trouve en bord de mer. Mais avant j’avais squatté un voilier gigantesque, qui faisait la traversée de la méditerranée. J’arrive donc d’Égypte, où j’ai participé au rallye des pyramides » me dit-il en sortant une photo de son sac à dos.

Complètement abasourdie, de discuter avec un lutin, je lui demandais ce que je pouvais faire pour lui.
« Mets-moi dans les toilettes, s’il te plaît et tire la chasse d’eau ; Je ne crains pas la noyade. Cela m’aidera à revenir en bord de mer, sans avoir à faire des kilomètres à pied.
Je le pris délicatement dans mes mains, le déposais dans la cuvette, en le priant de m’envoyer, régulièrement de ces nouvelles, si cela ne le dérangeait pas et tirais la chasse d’eau, avec un léger pincement au cœur. Dans un tourbillon d’eau, il disparut en me faisant un petit signe de la main.

Durant quelques mois, je reçus des cartes postales, d’un peu partout dans le monde. Mon petit ami voyageur ne m’oubliait pas. Souvent, je rêvais accoudée à ma fenêtre, qu’il revenait. Et effectivement… un soir, sur l’égouttoir de mon évier, Ludo m’attendait. Tout tremblant de fièvre et bien mal en point, je me précipitais pour l’enrouler dans une couverture, le déposer dans un panier devant le poêle et lui donner une pointe d’aspirine pour faire tomber sa température.
Je le veillais toute la nuit, inquiète de le voir si mal. Je pris, cependant, le temps de lui tricoter un tout petit bonnet, des chaussons et lui confectionnais une tenue d’aventurier.

Au petit matin, Ludo réclama un chocolat, que je lui servis dans un dé à coudre. Assis à côté de moi, sur le canapé, il me raconta des heures durant, ses péripéties. Sa rencontre avec un tigre du Bengale, ses danses endiablées avec une Espagnole, sa traversée du désert à dos de chameau, sa tournée de livraison de jouets avec le père Noël, son repas avec Hensel et Gretel, et bien d’autres anecdotes encore.

Ce lutin, malgré sa taille minuscule me faisait voyager, bien plus qu’un livre de géographie, ou le dépliant d’une agence de voyage. Je lui montrais le pêle-mêle, sur lequel j’avais épinglé toutes ses cartes postales. Une larme perla au bord de ses longs cils.
» C’est la première fois, que quelqu’un fait attention à moi. Merci d’être là, me dit-il dans un souffle. «
» Repose-toi, Ludo. Si tu savais combien cela me fait plaisir d’avoir un ami comme toi : différent, intéressant, partageur. Tu peux rester à la maison tant que tu le désires. «
» C’est très gentil, et merci pour tout. Mais dès que j’irai mieux, je te demanderai de me déposer dans la cuvette des toilettes, pour continuer mon voyage. C’est mon existence et j’aime découvrir et rencontrer, des êtres vivants. Mais jamais, je t’oublierai. "

Le cœur un peu lourd, quelques jours plus tard, je le vis préparer son sac à doc, qu’il enroula dans un sac congélation hermétique, me faire un gros câlin, tout humide de nos larmes respectives, et je tirais la chasse d’eau, pour le voir disparaître à nouveau de ma vie.

Mais Ludo, tint ses promesses. Pas un mois ne s’écoula sans que je reçus un petit mot, une photo, une carte des quatre coins du monde. De la Russie, à la Chine, des Andes à la Patagonie, mon lutin voyageur me fit parcourir le monde sans quitter mon salon, et ma petite vie douillette.

Jusqu’au jour où j’ai déménagé… Mais je sais au fond de mon cœur, qu’il saura me retrouver. La véritable amitié ouvre des chemins inconnus, pour que jamais l’on ne se perde de vue.

À bientôt Ludo, tous mes vœux t’accompagnent.
09. 10. 2016