Poème:Spirale

En réponse à ce message, reçu le 14 Novembre 2015, au lendemain des attentats de Paris :
« Cette fois, c’est eux ou nous…
Soit on va jusqu’au bout de nos valeurs-convictions, soit tu peux voiler ta femme et ta fille dans 2 ans… Il est temps d’ouvrir les yeux sur le danger que représentent ces types… »

Ce ton autoritaire ne peut que me confondre.
Cette ferme injonction demande de répondre.
Il faut donc sans délai que mes yeux se décillent,
Pour empêcher qu’un jour nos convictions vacillent.
Si je n’agis pas face à ce qui se dévoile
J’aurai demain la barbe et ma femme le voile.
C’est un risque possible. Alors j’ouvre les yeux.
Je regarde le monde, il n’est pas merveilleux.
Ayant les yeux ouverts je voudrais bien comprendre.
Quelle est la vérité et par quel bout la prendre ?
Les enchevêtrements de responsabilités ?
L’inexorable chaîne des causalités ?
Une dense futaie. J’en contemple l’orée :
Dois-je regarder l’arbre ou bien la forêt ?
Irak, Afghanistan, Pakistan et Libye,
Tuer « l’axe du mal » ! Excellent alibi,
Pour expérimenter nouvelles armes, drones,
Envoyer des armées, faire tomber de leur trône
Les dictateurs arabes. Le gênant Kadhafi,
Lui qui plantait sa tente peu avant dans Paris,
A expiré, lynché, en un ultime râle
Opportunément en période électorale.
Des années avant lui, Saddam Hussein l’infâme
Ce tyran, ce bourreau, a enfin rendu l’âme,
Son pays dévasté par la contre-offensive
Pour trouver les armes de destruction massives.
Effets collatéraux enlevez vos tarbouches !
Inclinez-vous devant la puissance de Bush !
Les yeux ouverts je vois un affreux jeu de rôle
Où le maître du jeu s’appelle le pétrole.
Les méchants sont tombés. Qu’a fait le terrorisme ?
La califat Daech, haut lieu de l’intégrisme
Ne cesse de grandir, nourri par les enfants
De nos démocraties ; et ses imams, piaffant
Voient arriver à eux des jeunes nés en France
Ayant, pour le Jihad, une folle attirance,
Rêvant du paradis réservé aux martyrs,
N’ayant plus qu’un désir : pour la Syrie partir !
Combien parmi ces jeunes ont suivi la spirale :
La banlieue, la débrouille, le déni de morale,
Regroupement ethnique dans les cités poubelles,
Où les pseudo-imams ont la partie trop belle,
Depuis que les moyens aux banlieues sont coupés,
Sacrifiés sur l’autel de la R. G. P. P.
Pendant qu’à l’étranger nous déployions nos armes
Que fut-il fait en France ? Supprimer des gendarmes,
Réduire notre armée, balayer la police
De proximité en laissant entrer en lice
Tous les prédicateurs, recruteurs, intégristes,
Jouant sur du velours la fibre salafiste.
De trente ans d’abandons voilà le résultat :
Nous sommes donc en guerre, un bien triste constat.
Dans cette situation, soit c’est eux soit c’est nous ?
Mais j’ai une question : « Qui sont » eux «, qui sont » nous « » ?
Comment identifier dans une multitude,
Un futur kamikaze ? Et sans incertitude ?
Mon collègue Sélim est-il « eux », est-il « nous » ?
Mon garagiste Ben est-il « eux » est-il « nous » ?
Suffit-il d’être arabe pour d « eux » être un des membres ?
Attentat à Beyrouth, en ce douze Novembre.
Quarante-sept victimes, des arabes pourtant.
Qui donc en a parlé ? Sont-ils peu importants
Ceux-là qui sont tombés, hommes, femmes, et enfants,
Unis dans l’agonie à ceux du Bataclan ?
Sont-ils « eux » ? sont-ils « nous » ? Ce schisme a-t-il un sens ?
Saisit-il du problème toute la quintessence ?
Être de sang Gaulois est-il une assurance
Qu’untel ne pourra pas terroriser la France ?
Fabien Clain est pourtant un nom bien franchouillard.
Les yeux ouverts, hélas, je ne vois que brouillard.
Les bouchers ont frappé, animés par la haine,
Croyant servir un dieu, voués à la Géhenne.
Ils ont brisé mon cœur, explosant sous la peine.
Pour déciller mes yeux, dois-je écouter Lepen ?
Pour sauver mon pays, adhérer au FN ?
Laisser filer mon âme, gagnée par la gangrène,
La peur, dans la spirale qui ostensiblement
Conduit à l’escalade, inexorablement :
Appréhension, soupçon, racisme, division.
Contrairement à eux je n’ai pas de vision.
Pour y voir clair enfin, il faut d’autres lunettes ;
Les yeux vindicatifs font une vue plus nette.
Ceux qui croient qu’on n’est bien qu’en montrant les biceps
Que la paix naît toujours en usant des forceps,
Qui disent, yeux ouverts, mais sans voir les couleurs :
« Le monde est noir et blanc, le blanc c’est nos valeurs ;
On est contre, on est pour ; soit c’est eux, soit c’est nous ;
Il y a ceux qui règnent, ceux qui sont à genoux.
Pour sauver nos valeurs, dégainons du fourreau
Le glaive héréditaire et devenons bourreaux, »
Ces gens là, clairvoyants, ont une solution
« Il nous faut en finir par l’annihilation.
De cet enchaînement poursuivant la logique,
Finissons les demain à la bombe atomique,
Les réduisant en cendres, pas un seul épargné. »
Et l’Histoire dira : « Les bouchers ont gagné »