Poème:Les Pamplemousses

Le manche de ma petite cuillère,
Engoncé dans mon demi-pamplemousse,
J’avise, du coin de l’œil plissé, ma mère
Qui tente d’instruire ma jeune frimousse.

Délicatement, par petits coups
Secs, l’instrument métallique avance
Dans le fin liseré blanc, avec une ferme constance
Pour scinder la pulpe de l’écorce jaune, joli coup !

Et voici que je retourne prestement
Le tout, transformant soudain la blanche peau
Intérieure du fruit, en un parement
Immaculé, un peu amer manque de pot…

Patiemment, l’on arrache les reliquats
Oubliés là, de ce duvet peu amène,
Que l’on mange ou non selon le cas,
Le dimanche ou les jours de semaine.

Quand l’on aime vraiment, l’on ne compte
Pas, alors, midi et soir,
Je me repais ainsi, bien le bonsoir,
Ou bonjour l’appétit, légers acomptes.

Illico presto, revient ce souvenir,
A chaque fois que, la mémoire en éveil, je m’évertue
A mimer cet apprentissage du passé, qui, à tue-
Tête me taraude, sans jamais finir.

Ainsi, les moindres gestes
Du quotidien, naissent bien souvent
De ce que l’on nous transmet avant
L’âge adulte, digestes.

Ces presque riens
Forment un tout,
Que l’on engrange inconsciemment, fourre-tout
Anodin, riches savoirs mine de rien…