Poème:Un Village En France

A l’aube livide, la silhouette franchit
A l’entrée du village le pont de pierre,
Enjambant le cours d’eau par la neige blanchi.
Ses pas raisonnent devant les meurtrières,
Vestiges oubliés du manoir encastrés
Dans les souvenirs du châtelain, écartés
De ses voisins par une grille très fragile.
Derrière ce muré de terre et d’argile
Se dresse sous des poutres l’ancienne étable.
L’impasse foulée longeant ce témoin des champs
Indique par son nom l’antre du Connétable.
Une maison pittoresque se détachant
Du style lourdo. Quelque touche de fantasque
Hétérogénéisant l’atmosphère flasque
En plein dans la capitale provinciale.
Photographie du pays, monde insociable.
Puis, à ces bourgs âcres, est indissociable
L’église. Non pas romane mais glaciale.
Point d’excentricité, domaines farfelus,
Mais si on regarde où est ce monsieur velu,
Il y a dans son dos une rue plein de charme.
A cet endroit, chacun verrait de vieux taudis,
Lui y voit le témoin du Moyen-âge maudit.
Son esprit, peu restreint quand celui-ci s’alarme,
Aime à s’échapper dûment le long des portes
De ses logis décrépis où se colportent
Les vies défraîchies de ses aïeuls oubliés,
Cependant à qui nos âmes sont tant liées.

Épris d’un dédain hypocrite, ce personnage
Ébloui y déambule à y perdre son âge,
Tourne en rond comme un bourgeois bondissant en geôle.
Les bourgeons des grands monstres verdâtres jonchent
Le sol fin de la place où ruisselle la gnôle,
Où, sur les bancs verdis et mousseux, les tronches
Trahissent la morosité environnante.
Les yeux emplis de brumeux univers, brouillons
De ses sentiments. Il miroite au « Nantes »,
Le bistrot, où dix huit bonnets intemporels
Gobent le menu communal, un bouillon.
S’y concentre la majorité corporelle.
L’épicerie centenaire, le cœur urbain,
Laisse y défiler, accompagnés de bambins,
Toutes rondelettes et enjouées,
Heureuses de quitter les domiciles, jouets
D’ignorants architectes, ignobles véreux,
Dont la technique structurale si douteuse
Démontre simplement leur génie cancéreux.
Le problème des maisons si peu coûteuses.

Ici la générosité municipale
Munie des votes des résidents si pâles
Missionne les curés, lieutenants du Seigneur,
De bien vouloir venir prêcher les dimanches,
Des âmes des grands-mères être les soigneurs.
Pitoyables, peu retrousseront leurs manches.

Trois minutes s’en suivent, peut donc se conclure
Le laconique tour du garçon sans allure
Subjugué par les devantures sévères
Des rues à l’aventure égalant son calvaire.