Texte:État D’âme (I)

Pendant longtemps j’ai réfléchi, j’ai pensé sans y faire attention.
Je suis de ces personnes qui n’ont pas connu la misère. Une famille aimante, une enfance joyeuse, aucune raison d’en vouloir à qui que ce soit. Tout au plus quelques brimades écervelées. Mais aucun problème omniprésent, car tous étant qualifiés de minimes. Je pense pouvoir le dire, mon existence est vide. Car, dites-le-moi, comment peut-on nommer une existence où rien n’arrive par surprise, ni par violence ? Où tout est linéaire, sans douleur pour ressentir le poids de la vie qui nous écrase ? Comment peut-on nommer autrement ce type d’existence ? Toutes les larmes que j’ai versées jusqu’alors demeurent bien futiles. À leurs yeux, j’ai toujours été de ceux qui ne savaient que se plaindre. Qu’importe qu’ils aient raison ou tort de toute façon.
Ils me parlaient parfois de leurs problèmes, de famille, d’amour et tout ça. Puis ils me disaient : « Mais tu ne peux pas comprendre, t’as pas eu tout ce que j’ai eu, les revers dans la gueule tu ne les as pas eu ». Même si cette phrase m’agaçait, je n’aurais pu prétendre le contraire. Je n’ai jamais réussi à me mettre à la place de quiconque de toute façon, même après plusieurs essais, jamais.
J’ai déjà pensé sans vraiment de conviction à goûter au vide sous mes pieds. Pas par désespoir non, juste par envie de ressentir tout ce que la vie devait m’apprendre. Juste un appel du vide, celui-là même qui habite mon âme. Je veux que la vie me le prenne avant qu’elle ne m’envoie vers la mort.