Poème:Mystique

Il y a une forêt intime de clarté, comme un simple sous-bois. Ou comme une prairie, le goût du soleil saturé sur le palais. Large, bordée de fleurs blanches et de genets. On s’assoit longtemps. Les rêves suivent le mouvement qu’indique la nature, un cri d’alouette dans un pin, le reflet détaché sur une pierre, la soie des fleurs, la légèreté du vent. On s’assoit longtemps dans un moment de solitude, à même la vie. Si on lève les yeux de son exil, une puissance souffle entre chaque chose. Peut-être le soleil, la disposition des pierres ou la quintessence sauvage de tous ces arbres, peut-être simplement le lieu, mêlent un mystère plus intime que l’intimité, au cœur des choses. Comme si une vibration circulait dans l’air, à travers la matière, comme si elle était un corps uni où une substance unique avale tout le reste, comme si cette vibration supérieure à l’entendement, aux sens, à la nature même, était tout et que tout était elle. Et je vois dans l’expression des arbres, du brin d’herbe, de la pierre sous la mousse, qu’ils posent un regard sur nous, qu’au-delà de la vibration, mais aussi de la vie qui passe à travers eux, ils ont une singularité qui nous parle. A voix distincte et claire. Seulement, dans cet instant où le regard s’élève, assis ou allongé sur des nappes d’herbes, le soleil coule dans ce trou émeraude, des pollens rares volent dans le ciel comme des pétales, nos sens - nous volent - bornent la vérité. Mais surtout, dans cet instant où le regard s’échappe, il n’y a que l’inaltéré par ce qui passe, de l’immobile, sans le temps incessible.