Poème:Vérité Provençale ; Chant Iii

Qu’ai-je vu de plus vrai
Que le figuier jaunir, perdre ses feuilles
La myrte fructifier
Et l’olivier brunir
Dans la lumière du soir ?

Qu’ai-je vu de si vrai
Que la cécidie sur le chêne
Pendentif sauvage
Ou que le tichodrome échelette rouge-noir
Éventail innocent
Éventer la falaise et piquer de son bec
Les petites douceurs et les lichens ?

Qu’ai-je vu de plus vrai que l’hélichrise
Dormir en cachant ses soleils ?
Ou que le nuage rond passer de ci à là
Porté par un bleu ciel intense et bénéfique ?

Qu’ai-je vu de si vrai que
Cette pierre plate posée contre une autre :
Je la soulève et j’observe la vie se blottir
Scorpion, scolopendres qui font leurs nids.

Je n’ai rien vu de plus beau que ce rouge-queue
Qui sautille d’une pierre sèche à une autre
En faisant des ponts
D’une chose froide à une chose impassible
J’ai vu les pins qui dansaient
Dans une brise qui pépie
Avec ses moustaches d’or
Et le soleil d’automne devenir tout rond
J’ai vu le fil du nuage se disloquer
Et tout l’infini bleu qui l’effleure
J’ai vu cela, cette éternité
Qui n’est pas la mienne.

Longtemps j’ai tendu la main
Pour que le rouge-gorge s’y hasarde :
Je l’entendais sourire dans les futaies.
Longtemps j’ai pensé que l’éternel était partout
Et c’était vrai !
Oui c’était vrai qu’il était là tout autour
Dans le filet du rio qui ressurgissait
Avec ses cloches liquides
Je devenais fou de bonheur
Mais je sais, oh je crois
Que je suis hors de ce monde.
Oui, tout est bien là installé
Mais je ne suis plus des leurs.