Poème:Sur Ton Épaule Blanche

J’ai vu la nuit palpable avec la peau…

Je l’ai senti passer sur moi comme de la soie légère, alors, je me suis dit comme ça, très spontanément, joyeusement, qu’il faisait vraiment bon d’être ici, dans cette douceur sombre, loin, très loin, de là où j’avais toujours vécu, tel un modèle unique, chez les occidentaux.

J’ai vu des scooters…

Plein, beaucoup, sérieux, qui filaient comme des comètes, dans la nuit, devant, derrière, sur les côtés, avec des hommes à cheval, des femmes en amazone, par deux, par trois, voire plus, dans les replis houleux et tiède, onctueux comme de la crème, d’un soleil noir d’après minuit qui jouait le noctambule.

J’ai vu…

Des gens qui devisaient entre eux sans fioriture, autochtones de la ville, auprès de bouiboui douteux, branlant et chaotique, mais enjoués, en bectant on ne savait trop quoi et ne semblant pas pressés d’aller dormir, malgré l’heure qui me semblait somme toute assez tardive, à Moi le voyageur idiot : désorienté, complètement, déconcerté, assurément !

J’ai collé mon nez contre la vitre…

Et là,
Encore,
J’ai vu…

La ville sous une forme vétuste que je ne connaissais pas, les stigmates de l’année zéro encore partout, partout, dans son ventre, son cœur, son visage, ses visages, comme une douleur enfouie qui ne s’exprime jamais, mais qui sommeil en douce : refoulée, intériorisée, immergé au plus profond de soi, dans l’océan houleux de la mémoire

Le chauffeur me demanda 7 dollars, alors qu’on s’était déjà mis d’accord pour cinq avant que je ne monte dans sa poubelle.

Et
Alors
À ce moment-là, j’ai vu, ressenti…

Que j’étais devenu un étranger, que le décalage horaire pouvait me rendre toute chose et, encore, qu la bouffe discount de la compagnie china machin Airlines ne passait pas si facilement que ça, dans mon estomac peu large d’esprit, occidentalisé.

Oui, je le dis à vous, aux autres, et à tous ceux qui croient en l’uniformité du monde que, j’ai vu quantité de chose, comme…

Des chiens errants : baveux, pouilleux, qui erraient parmi les détritus, le long de trottoirs mal agencés, chemins rouges ; tandis que des feuilles de palmier Incrédules, flottant bon an mal an, dans la brise du soleil noir, giflaient tour à tour le tissu doux en soie de la nuit mauve, satinée, étoilée.

Et puis…

J’ai vu les pales du ventilateur planté dans le plafond ne faire plus qu’un, tourner dans une sorte de mouvement perpétuel, alors que j’étais allongé auprès de toi, dans cette chambre inconnue, saoulé par l’ivresse de la fatigue, après plus de vingt heures de vol dans le torrent houleux du ciel Immense, si dense et imprévisible, quand on le traverse.

Et là…

Mes yeux se sont fermés, mon cœur s’est pondéré, je suis tombé dans le sommeil, et tout s’est effacé d’un coup, comme un grand coup d’éponge, sur les écrits la craie blanche, de tous les tableaux noirs de mon enfance : si loin déjà, encore plus loin, beaucoup plus loin que la distance du ciel, que je venais de parcourir.

À un moment donné…

Mes yeux se sont rouverts, j’ai vu que je voyais encore, que j’en verrais bien d’autre : des vertes et des pas mûres, comme ta peau si claire : douce, caline ; la courbe de tes reins et puis nous deux dans le reflet du monde, ce monde que je croyais unique, ce monde et ton sein rose, ce monde avec l’ombre du jour sur ton épaule blanche.