Texte:Nous Y Resterons

Quelque part sur une plage isolée, repose un Rocher. Sa sobre silhouette se tient stoïque au centre du tableau.
Parfois, la mer le recouvre, parfois, il la surplombe.
Mais lui ne bouge pas, il est d’une roche que l’érosion ne vainc pas et dont l’immuabilité défie la science. Pour lui, tout est statique, ou alors tout se passe à une vitesse indescriptible.
Le Rocher est le seul que le temps ne vainc pas. Il n’en a pas la notion. Le passé est identique au présent et ce qui eut une fois été, est aussi tangible et immuable que sa roche.
Le paysage, lui, rassuré par son ancre, ne craint pas l’éphémère, car tout y est gravé.
Le Roc se souvient.
Malgré leur impressionnante étendue, ni la mer ni le sable ne peignent la toile depuis la première aurore. Mais ça, seul le rocher le sait, et il aime garder ses secrets.
Son humble sculpture sait, mais ne dit pas, le paysage, lui, pense, mais ne sait pas tandis que la toile exprime même ce que le Roc ne sait pas encore. Et même quand l’eau l’enveloppe d’une obscure épaisseur, quand sa rustre surface perd le souvenir de la dernière caresse du soleil, lui, s’imprègne du présent courant d’eau tiède qui l’isole. Sachant pertinemment que la marée baissera.
Et Même quand aucun regard ne se pose sur la mer, chaque instant se suffit d’avoir été, comme chaque prise ne peut être sans la précédente, la beauté d’un paysage décrit celle de tous ceux qui ont été.
Quand la mer se retire, les regards qui se posent sur sa pierre y découvrent un Roc plus serein que la veille et plus sage d’une marée. Tandis que d’une absente parole, la sculpture leur dicte les leçons ajoutées.
Chaque marée est différente, chaque leçon nouvelle. Le Rocher les accueille sans émotion. Les terribles ouragans se gravent de la même plume que les sensibles brises tandis que d’une fidélité canine, la toile les exprime sans filtrer. Elle le fait sans défense laissant les pensées l’entraîner dans leur danse. Mais les cycles naturels s’imbriquent, ceux des astres harmonisent ceux de la mer et ceux de la mer, ceux de la pensée. Donc, quand l’immense lutte l’orage, celle-ci provoque l’esprit. Il arrive alors que le tableau souffre, incapable de s’y opposer.
Il est courant que l’instable étendue jalouse la sagesse de la stoïque roche tandis que celle-ci s’attriste sobrement de son insensible pierre.
Le point est, que par son aveugle plume, le Roc dérobe l’enjeu du moment présent, se contentant de l’honorer. Mais sans la notion de gravité plus rien n’a de sens. Ce qui pour la toile, justifie l’expression de bonheurs et souffrances.
Finalement, même si personne ne peut y accéder, il reste une réalité absolue, immuable, gravée dans la pierre d’un insensible Rocher, donnant un sens à tous les tableaux qui n’ont pas encore été.