Poème:Du Mont De Mes Vingt Ans

Je le savais déjà
Quand je battais des ailes
Dans les rangs de l’école
Mais à ce carrefour
Où tu chantes pour des prunes
Où t’y laisse tes plumes
Où t’y laisse l’amour
Où se cache le choix ?
Que j’étais tête en l’air
Mais les yeux dans le ciel
Perché à une branche
Chaque jour est dimanche
Les grands me déplumant
J’ai donc eu pattes à terre
Et là bizarrement
Là ce fut mon envol
Le début de mon livre
Et j’ai cru pouvoir vivre
Comme je le rêvais
Mais la vie commençait
(Une guerre pour moi)
Et c’est depuis ainsi
Formé simple soldat
De menuiserie
Que je mine ma route
Tout du jour je bataille
Et à la nuit je tombe
Et ce train-train me plombe
De ces nuits sans étoiles
De ces journées sans temps
Ma route étant déroute
Et mon cœur n’en veut pas
Puis au fil des semaines
Au fil de quelques mois
Je sens bien ce fardeau
Qui me courbe le dos
C’est pesant de la laine
Du mont de mes vingt ans.

Et là samedi soir
J’ai plié l’uniforme
Pour repas de famille
Grand repas de famille
Y’a la belle Alison
On mange dans la salle
Un lieu parfois miroir
D’un champs de bataille
Et d’un quai de gare
Et où y’a plus de train
Et l’apéro attend
Car les mêmes en retard
Et les mêmes en avance
Puis l’apéro commence
Je regarde mon père
Et regarde mon oncle
Le frère de mon père
Qui a un gros furoncle
À la place du nez
Et son fils c’est pareil
Je les lis des oreilles
Et les ris mais muet
Assis comme des rois
Ils parlent à haute voix
Du nombre de chevaux
Qui a sous leur écurie
La grandeur de leur château
Et leur porte d’entrée
J’en sais quelque chose
Et j’apporte l’entrée
De droite ou bien de gauche
Ils sont la même ébauche
Si c’est cela la vie
Promener le sac d’or
Sur lequel on repose
Je trouve que c’est pauvre
Moi je me suffirais
D’une belle pour trésor
Et je me vois plus tard
Du mont de mes vingt ans.

Mais je regarde ma mère
Et regarde ma tante
Et je vois ma chimère
Une jolie sorcière
Maquillée en princesse
Que je trouve un peu chiante
D’abord être le prince
Enfin le nouveau prince
Pour le futur papa
Peut être un jour le roi
Je parle du mari
Ensuite seulement
Le père des enfants
Dans l’ennui de la tour
Ici et là des pages
L’amant et la maîtresse
Si c’est cela l’amour
Un roman mal écrit
Je trouve que c’est peu
Alors il est normal
Que je reste à cheval
Je regarde grand mère
Et je vois le grand père
Sur le bord de ses yeux
Puis regarde Alison
La belle Alison
Plus belle que l’été
Qui est à quelques prés
De mon pâturage
Je parle de notre âge
Mais attention pas touche
Surtout pas de la bouche
C’est surtout parce qu’elle est
Parait il ma cousine
Ce n’est même pas vrai
Mais jouons de ce jeu
Ma belle rien que les yeux
Et j’ai en main le plat
Je veux dire le vide
Du mont de mes vingt ans

Et deux litres de vin
Et encore du vin
Et des mots à la pages
Et des lignes et des lignes
Et des pages et des pages
C’est le fruit de la vigne
Qui poivre leurs salades
Mais de salades fades
Naît pas une chanson
Le ton monte d’un ton
Puis ça tourne au vinaigre
Parce que l’un dit nègre
L’autre homme de couleur
Les deux disent couleur
Voici vingt pages dites
De quoi pondre un chapitre
« Bataille pour un fromage »
D’ailleurs c’est le fromage
Voilà voilà voilà
Voilà c’est bien beau tout ça
Ce livre qui m’attend
Je sais déjà ma vie
Du haut de mes vingt ans
Qu’est ce qu’on s’y ennuie
Lundi déjà je sais
Je reprend ma route
Et repars au combat
J’aimerai déserter
Ma route étant déroute
Et mon cœur n’en veut pas
Marcher d’autres chemins
Respirer d’autres coins
Comme tourner la page
Mais tourner la page
Pour tourner la page
Ne change pas le livre
J’aimerai tourner la page
Pour changer de livre.
Et enfin le désert.
Je le savais déjà
Quand je battais des ailes
Dans les rangs de l’école
Mais…