Texte:La Balançoire

C’est l’histoire d’une petite fille seule sur sa balançoire. Il n’existe qu’elle et sa balançoire, le monde autour d’elle n’est qu’un immense néant profond zébré de bleu mais dénué de la moindre lumière. Depuis toute petite elle s’est toujours trouvée là, dans son axe, dans son jeu. Mais aussi haut qu’elle puisse aller en avant, elle sait qu’elle finira toujours par revenir en arrière, et à chaque seconde, chaque moment, elle rit de son élan puis pleure de son recul mais elle insiste encore et toujours, allant de plus en plus haut, reculant de plus en plus loin. Son désir « d’en avant » augmente à chaque nouvelle prise d’élan mais sa peur aussi, à chaque nouveau recul.
Elle croit qu’elle s’appelle Emilie, personne ne lui a jamais rien appris mais c’est le seul nom qui lui donne le sourire. A chaque fois que ses doigts se crispent, sentant la balançoire l’emmener en arrière elle ferme les yeux et pleure, quand elle sent enfin « l’en avant » revenir elle peut à nouveau les ouvrir et rire.
Emilie grandit et insiste sans arrêt, sans répits, son élan de plus en plus grand lui donne l’impression de voler puis comme à chaque fois de tomber. Jusqu’au jour où Emilie monte si haut, si vite que pour la première fois au lieu de retomber en arrière, elle se sent partir en avant, et alors pour la première fois la peur peut la quitter pour ne lui laisser que l’élan. Un élan enivrant, les cheveux portés par son vent, les yeux pleurant de joie, les levres et les joues plaquées par la vitesse formant un sublime sourire. Emilie en faisant son premier vrai tour pour la première fois comprit, que la seule chose qui empêchait son élan était la peur du retour, du déclin, de la chute.
La vitesse l’incitant, l’élan la transportant, elle se mit à tourner de plus en plus vite, débarrassée de sa peur qu’elle revoyait maintenant à chaque tour comme un simple passage et qu’elle déciderait à jamais de comment le traverser.
Pour elle ce sera avec élan ! Ce passage qui l’emprisonnait, lui permettait désormais de se libérer. Alors Emilie tourna si fort, si vite que bientôt, on ne distingua plus Emilie mais une roue de lumière laissée par ses cheveux dorés par les blés. Son rire se propagea à travers l’immensité bleue noir et peu à peu la lumière qu’elle générait se mit à tout faire briller.
Selon certaines légendes Emilie fut la première étoile, le premier soleil de notre univers, car elle avait appris que peu importe ses doutes, ses peurs, ses craintes, ceux-ci ne refléteraient jamais un immobilisme, mais au contraire son premier mouvement, sa première compréhension, sa toute première vrai création.
A chaque seconde un enfant hésite puis un autre espère, l’un ira en avant en redoutant sa chute, l’autre plongera dans sa peur pour y tirer son élan. L’un sera au quotidien bloqué dans la bascule. L’autre aérien volant sans voir la chute.