Poème:Plaidoyer Pour Une Vie Salie

Ils se sont rencontrés elle avait cinq ans.
Il s’en souvient, il était déjà vieux : il avait six ans !
Puis, elle est partie de sa mémoire,
Elle est restée tapie dans un coin, dans le noir.

Quinze ans après, le plus grand des hasards
Les a fait se revoir.
Pourquoi, comment, nul ne le sait.
Le chemin cosmique de deux étoiles, la comète de Halley…

Chacun a raconté sa vie.
Devant ce presque inconnu ils ont vidé leurs sacs
Tout de patatrac
Leurs morts, leurs passés
Et c’est là où ils se sont retrouvés.

Mais le plus terrible qu’on t’ai pris
Ce ne sont pas toutes ces vies.
Ton père, ta mère, partis de maladies
Ton cancer aussi, tout ça c’était du vol,
Non le pire c’était ton viol.

Le plus terrible, c’est que celui qui l’a commis
Soit toujours et encore en vie.
Même s’il venait à connaître la prison à vie
Ce serait encore trop beau, trop « joli ».

Et tu as eu la force, le courage de me le dire
Alors que dans la vie d’une femme il n’y a pas pire.
C’est la dégrader, la souiller, lui voler l’envie d’aimer,
Et ce, pour toujours et à jamais.

Même si tu m’as vite avoué ton amour
Et j’ai tout de suite vu qu’il était vrai,
Dès ce premier jour il a été réciproque,
J’en ai vite compris grâce à cet aveu les atours,
Ainsi que toutes les équivoques,
Car m’avouer un tel accroc, que dis-je cette déchirure,
J’ai intégré le fait que cette blessure
A jamais ne se refermerait.

Et le pire c’est qu’avouer une « chose » pareille
A quinze ans ressemble à un geste deux fois sanglant
La première fois lorsque cela se produit,
La seconde lorsque tu le racontes, le redis.
C’est boire l’eau de Javel, une première fois se brûler,
Et une seconde fois, en l’avouant, la recracher.

Et tu as eu la force de le faire
Dès que nous nous sommes rencontrés.
Je me suis efforcé de l’oublier
Pour ne pas t’en reparler
Afin que tu gommes si possible ce boulet
Que tu trainais à jamais comme un fer, un forfait.

La vie n’a pas voulu de notre premier enfant,
Comme pour parachever ce sentiment d’incapacité
Que ce salaud avait en toi pour toujours gravé
Dans le plus fort le plus profond de tes sentiments.

Il m’a laissé une femme tellement abimée :
Elle ressemble à un disque rayé
Qui me pourra jamais chanter,
Finir sa chanson après le premier couplet.

Ce coupable pourra croupir
Jusqu’à la fin de toutes ses nuits
Il ne pourra jamais guérir le mal accompli
Même une fois qu’un Dieu l’aura fair mourir.

Il n’aura jamais souffert autant que cette femme
Aura été blessée, déchirée, éhontée,
Tant que cette saleté de lame
Aura fini de dévorer son âme.

Après cette infernale blessure
Une vie entière ne suffit pas pour en guérir
Tant ce nitrate ce sulfure
Brûle ce corps au demeurant si pur.

Je honnis cet imbécile qui a foutu en l’air
Cette capacité à me faire aimer d’elle.
Il lui a carrément coupé les ailes
Et nous a empêché de nous envoyer en l’air.

Le viol interdit à jamais une femme d’être femme.
C’est une destruction autant du corps que de l’âme
C’est l’incapacité d’avoir un couple équilibré
Alors, que celui qui l’aura perpétré peut jouir de gaieté,
Car lui, il aura dépassé son forfait.

On peut au pire le tuer dans certaines sociétés
L’enfermer à vie, au titre de son crime,
Il ne pourra jamais rendre le bien qu’il a volé,
Alors qu’il a à tout jamais gâché la vie de sa victime.