Poésie : Jean des Tilles

Écrit par Aloysius Bertrand

- " Ma bague ! ma bague ! " - Et le cri de la lavandière
effraya dans la souche d'un saule un rat qui filait sa
quenouille.

Encore un tour de Jean des Tilles, l'ondin malicieux et
espiègle qui ruisselle, se plaint et rit sous les coups
redoublés du battoir !

Comme s'il ne lui suffisait pas de cueillir, aux épais
massifs de la rive les nèfles mûres qu'il noie dans le
courant.

- " Jean le voleur ! Jean qui pêche et qui sera pêché !
Petit Jean friture que j'ensevelirai, blanc d'un linceul
de farine, dans l'huile enflammée de la poêle ! "

Mais alors des corbeaux qui se balançaient à la verte
flèche des peupliers, croassèrent dans le ciel moite et
pluvieux.

Et les lavandières, troussées comme des piqueurs d'ablettes,
enjambèrent le gué jonché de cailloux, d'écume, d'herbes
et de glaïeuls.

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