Poésie : Hyacinthe
Écrit par Albert Samain
Pour la voir aussitôt mapparaître, fidèle
Je nai quà prononcer son nom mélodieux,
Comme si quelque instinct miséricordieux
Davance lui disait lheure où jai besoin delle.
Je la trouve toujours, quand mon coeur contristé
Sexile et se replie au fond de ses retraites,
Et pansant à la nuit ses blessures secrètes,
Reprend avec lorgueil sa native beauté.
Cest dans un parc illustre où la blancheur des marbres
Dans lombre çà et là dresse un beau geste nu,
Où ruisselle un bruit deau léger et continu,
Où les chemins rayés par les ombres des arbres
Senfoncent comme on voit aux tableaux anciens.
Aux noblesses du coeur le décor est propice,
Et parmi les bosquets lâme de Bérénice
Semble encor sangloter des vers raciniens.
Elle est là ; sous le dais des ténèbres soyeuses,
Elle attend ; autour delle à chaque mouvement
Ses ailes font dun vague et lent frémissement
De plumes onduler les fleurs harmonieuses.
Ses lèvres par instants laissent tomber le mot
Unique où se concentre en goutte le silence ;
Le geste de ses mains pâles est lindolence,
Et sa voix musicale est fille du sanglot.
Nous errons à travers les jardins taciturnes
Émus en même temps de limpides frissons,
Touchés de nous aimer dans ce que nous pensons
Et nous penchant ensemble aux fontaines nocturnes.
Lamour souvre à ses doigts comme un lys infini,
Tout en elle se donne et rien ne se dérobe.
Ses bras savent surtout bercer et sous sa robe
Son sein a la chaleur maternelle du nid.
La pitié, la douceur, la paix sont ses servantes ;
À sa ceinture pend le rosaire des soirs,
Et cest elle sans trêve et pourtant sans espoirs,
Que je cherche à jamais à travers les vivantes.
Elle est tout ce que jaime au monde, le secret,
Lamour aux longs cheveux, la pudeur aux longs voiles,
Même elle me ressemble aux rayons des étoiles,
Et cest comme une soeur morte qui reviendrait.
Hyacinthe est le nom mortel que je lui donne.
Souvent au fond des ans par détranges détours
Nous évoquons la même enfance aux mêmes jours,
Et sa voix dont laccent fatidique métonne
Semble du plus profond de mon âme venir.
Elle a le timbre ému des heures abolies,
Et sonne langélus de mes mélancolies
Dans la vallée au vieux clocher du souvenir.
Et parfois elle dit, pâle en la nuit profonde,
Pendant quau loin la lune argente un marbre nu
Et quun ruissellement léger et continu
Mêle au son de sa voix lécoulement de londe,
Pendant quaux profondeurs des grands espaces bleus
Palpite une douceur grave et surnaturelle,
Et que je vois comme un miracle fait pour elle
Les astres scintiller à travers ses cheveux,
Elle dit : quelque jour dans un pays suprême
Ton désir cueillera les fruits puissants et beaux
Dont la fleur blême ici languit sur les tombeaux.
Et ton propre idéal sera ton diadème.
Avec largile triste où chemine le ver
Tu quitteras le mal, la honte, lesclavage,
Et je te sourirai dans les lys du rivage,
Belle comme la lune, en été, sur la mer.
Tes sens magnifiés vivront dintenses fièvres,
Ivres dintensité dans un air immortel ;
Alors saccomplira ton rêve originel
Et, penché sur mes yeux pleins dun soir éternel,
Cest ton âme que tu baiseras sur mes lèvres.
Je nai quà prononcer son nom mélodieux,
Comme si quelque instinct miséricordieux
Davance lui disait lheure où jai besoin delle.
Je la trouve toujours, quand mon coeur contristé
Sexile et se replie au fond de ses retraites,
Et pansant à la nuit ses blessures secrètes,
Reprend avec lorgueil sa native beauté.
Cest dans un parc illustre où la blancheur des marbres
Dans lombre çà et là dresse un beau geste nu,
Où ruisselle un bruit deau léger et continu,
Où les chemins rayés par les ombres des arbres
Senfoncent comme on voit aux tableaux anciens.
Aux noblesses du coeur le décor est propice,
Et parmi les bosquets lâme de Bérénice
Semble encor sangloter des vers raciniens.
Elle est là ; sous le dais des ténèbres soyeuses,
Elle attend ; autour delle à chaque mouvement
Ses ailes font dun vague et lent frémissement
De plumes onduler les fleurs harmonieuses.
Ses lèvres par instants laissent tomber le mot
Unique où se concentre en goutte le silence ;
Le geste de ses mains pâles est lindolence,
Et sa voix musicale est fille du sanglot.
Nous errons à travers les jardins taciturnes
Émus en même temps de limpides frissons,
Touchés de nous aimer dans ce que nous pensons
Et nous penchant ensemble aux fontaines nocturnes.
Lamour souvre à ses doigts comme un lys infini,
Tout en elle se donne et rien ne se dérobe.
Ses bras savent surtout bercer et sous sa robe
Son sein a la chaleur maternelle du nid.
La pitié, la douceur, la paix sont ses servantes ;
À sa ceinture pend le rosaire des soirs,
Et cest elle sans trêve et pourtant sans espoirs,
Que je cherche à jamais à travers les vivantes.
Elle est tout ce que jaime au monde, le secret,
Lamour aux longs cheveux, la pudeur aux longs voiles,
Même elle me ressemble aux rayons des étoiles,
Et cest comme une soeur morte qui reviendrait.
Hyacinthe est le nom mortel que je lui donne.
Souvent au fond des ans par détranges détours
Nous évoquons la même enfance aux mêmes jours,
Et sa voix dont laccent fatidique métonne
Semble du plus profond de mon âme venir.
Elle a le timbre ému des heures abolies,
Et sonne langélus de mes mélancolies
Dans la vallée au vieux clocher du souvenir.
Et parfois elle dit, pâle en la nuit profonde,
Pendant quau loin la lune argente un marbre nu
Et quun ruissellement léger et continu
Mêle au son de sa voix lécoulement de londe,
Pendant quaux profondeurs des grands espaces bleus
Palpite une douceur grave et surnaturelle,
Et que je vois comme un miracle fait pour elle
Les astres scintiller à travers ses cheveux,
Elle dit : quelque jour dans un pays suprême
Ton désir cueillera les fruits puissants et beaux
Dont la fleur blême ici languit sur les tombeaux.
Et ton propre idéal sera ton diadème.
Avec largile triste où chemine le ver
Tu quitteras le mal, la honte, lesclavage,
Et je te sourirai dans les lys du rivage,
Belle comme la lune, en été, sur la mer.
Tes sens magnifiés vivront dintenses fièvres,
Ivres dintensité dans un air immortel ;
Alors saccomplira ton rêve originel
Et, penché sur mes yeux pleins dun soir éternel,
Cest ton âme que tu baiseras sur mes lèvres.