Poésie : Nocturne provincial
Écrit par Albert Samain
La petite ville sans bruit
Dort profondément dans la nuit.
Aux vieux réverbères à branches
Agonise un gaz indigent ;
Mais soudain la lune émergeant
Fait tout au long des maisons blanches
Resplendir des vitres dargent.
La nuit tiède sévente au long des marronniers...
La nuit tardive, où flotte encor de la lumière.
Tout est noir et désert aux anciens quartiers ;
Mon âme, accoude-toi sur le vieux pont de pierre,
Et respire la bonne odeur de la rivière.
Le silence est si grand que mon coeur en frissonne.
Seul, le bruit de mes pas sur le pavé résonne.
Le silence tressaille au coeur, et minuit sonne !
Au long des grands murs dun couvent
Des feuilles bruissent au vent.
Pensionnaires... orphelines...
Rubans bleus sur les pèlerines...
Cest le jardin des ursulines.
Une brise à travers les grilles
Passe aussi douce quun soupir.
Et cette étoile aux feux tranquilles,
Là-bas, semble, au fond des charmilles,
Une veilleuse de saphir.
Oh ! Sous les toits dardoise à la lune pâlis,
Les vierges et leur pur sommeil aux chambres claires,
Et leurs petits cous ronds noués de scapulaires,
Et leurs corps sans péché dans la blancheur des lits ! ...
Dune heure égale ici lheure égale est suivie
Et linnocence en paix dort au bord de la vie...
Triste et déserte infiniment
Sous le clair de lune électrique,
Voici que la place historique
Aligne solennellement
Ses vieux hôtels du Parlement.
À langle, une fenêtre est éclairée encor.
Une lampe est là-haut, qui veille quand tout dort !
Sous le frêle tissu, qui tamise sa flamme,
Furtive, par instants, glisse une ombre de femme.
La fenêtre sentrouvre un peu ;
Et la femme, poignant aveu,
Tord ses beaux bras nus dans lair bleu...
Ô secrètes ardeurs des nuits provinciales !
Coeurs qui brûlent ! Cheveux en désordre épandus !
Beaux seins lourds de désirs, pétris par des mains pâles !
Grands appels suppliants, et jamais entendus !
Je vous évoque, ô vous, amantes ignorées,
Dont la chair se consume ainsi quun vain flambeau,
Et qui sur vos beaux corps pleurez, désespérées,
Et faites pour lamour, et damour dévorées,
Vous coucherez, un soir, vierges dans le tombeau !
Et mon âme pensive, à langle de la place,
Fixe toujours là-bas la vitre où lombre passe.
Le rideau frêle au vent frissonne...
La lampe meurt... une heure sonne.
Personne, personne, personne.
Dort profondément dans la nuit.
Aux vieux réverbères à branches
Agonise un gaz indigent ;
Mais soudain la lune émergeant
Fait tout au long des maisons blanches
Resplendir des vitres dargent.
La nuit tiède sévente au long des marronniers...
La nuit tardive, où flotte encor de la lumière.
Tout est noir et désert aux anciens quartiers ;
Mon âme, accoude-toi sur le vieux pont de pierre,
Et respire la bonne odeur de la rivière.
Le silence est si grand que mon coeur en frissonne.
Seul, le bruit de mes pas sur le pavé résonne.
Le silence tressaille au coeur, et minuit sonne !
Au long des grands murs dun couvent
Des feuilles bruissent au vent.
Pensionnaires... orphelines...
Rubans bleus sur les pèlerines...
Cest le jardin des ursulines.
Une brise à travers les grilles
Passe aussi douce quun soupir.
Et cette étoile aux feux tranquilles,
Là-bas, semble, au fond des charmilles,
Une veilleuse de saphir.
Oh ! Sous les toits dardoise à la lune pâlis,
Les vierges et leur pur sommeil aux chambres claires,
Et leurs petits cous ronds noués de scapulaires,
Et leurs corps sans péché dans la blancheur des lits ! ...
Dune heure égale ici lheure égale est suivie
Et linnocence en paix dort au bord de la vie...
Triste et déserte infiniment
Sous le clair de lune électrique,
Voici que la place historique
Aligne solennellement
Ses vieux hôtels du Parlement.
À langle, une fenêtre est éclairée encor.
Une lampe est là-haut, qui veille quand tout dort !
Sous le frêle tissu, qui tamise sa flamme,
Furtive, par instants, glisse une ombre de femme.
La fenêtre sentrouvre un peu ;
Et la femme, poignant aveu,
Tord ses beaux bras nus dans lair bleu...
Ô secrètes ardeurs des nuits provinciales !
Coeurs qui brûlent ! Cheveux en désordre épandus !
Beaux seins lourds de désirs, pétris par des mains pâles !
Grands appels suppliants, et jamais entendus !
Je vous évoque, ô vous, amantes ignorées,
Dont la chair se consume ainsi quun vain flambeau,
Et qui sur vos beaux corps pleurez, désespérées,
Et faites pour lamour, et damour dévorées,
Vous coucherez, un soir, vierges dans le tombeau !
Et mon âme pensive, à langle de la place,
Fixe toujours là-bas la vitre où lombre passe.
Le rideau frêle au vent frissonne...
La lampe meurt... une heure sonne.
Personne, personne, personne.