Poésie : A Valognes

Écrit par Jules Barbey D'aurevilly

Ex imo.

C'était dans la ville adorée,
Sarcophage pour moi des premiers souvenirs,
Où tout enfant j'avais, en mon âme enivrée,
Rêvé ces bonheurs fous qui restent des désirs !
C'était là... qu'une après-midi, dans une rue,
Dont un soleil d'août, de sa lumière drue,
Frappait le blanc pavé désert, - qu'elle passa,
Et qu'en moi, sur ses pas, tout mon coeur s'élança !
Elle passa, charmante à n'y pas croire,
Car ils la disent laide ici, - stupide gent !
Tunique blanche au vent sur une robe noire,
Elle était pour mes jeux comme un vase élégant,
Incrusté d'ébène et d'ivoire !
Je la suivis... - Ton coeur ne t'a pas dit tout bas
Que quelqu'un te suivait, innocente divine,
Et mettait... mettait, pas pour pas,
Sa botte où tombait ta bottine ?...
Qui sait ? Dieu te sculpta peut-être pour l'amour,
Ô svelte vase humain, élancé sur ta base !
Pourquoi donc n'es-tu pas, ô vase !
L'urne de ce coeur mort que tu fis battre un jour !

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