Poésie : Le tens leger s'enfuit sans m'en apercevoir

Écrit par Philippe Desportes

Le tens leger s'enfuit sans m'en apercevoir,
Quand celle à qui je suis mes angoisses console :
Il n'est vieil, n'y boiteux, c'est un enfant qui vole,
Au moins quand quelque bien vient mon mal deçevoir.

À peine ai-je loisir seulement de la voir
Et de ravir mon ame en sa douce parole,
Que la nuict à grands pas se haste et me la volle,
M'ostant toute clarte, toute ame et tout pouvoir.

Bien-heureux quatre jours, mais quatre heures soudaines ?
Que n'avez-vous duré pour le bien de mes paines ?
Et pourquoy vostre cours s'est-il tant avancé ?

Plus la joie est extrême et plus elle est fuitive ;
Mais j'en garde pourtant la memoire si vive,
Que mon plaisir perdu n'est pas du tout passé.

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