Texte:Rdv Vers L’inconnu

Je ne me souviens plus par quel biais nous nous sommes trouvés
Je peux vous dire qu’il m’est souvent arrivé d’être psychologue malgré moi
A mon approche, les gens se livrent, je suis le confident de l’instant
Il y a ceux qui déversent et ceux qui reçoivent
Les gens parlent à défaut de savoir écouter
Tout le monde s’émeut face à la misère mais qui donne son temps d’écoute
La parole est facile pour les experts de l’oral
Les besogneux, les taciturnes, les peu loquaces rament
J’ai rencontré X et je ne me souviens plus de son prénom ni de sa ville
C’est comme un trou noir
Je sais que la route fut longue pour me rendre chez lui
J’ai été surpris avant même de le voir
Cette caravane m’a surpris, je n’aimais pas le décor
Cela m’a tout de suite fait penser à une situation à problèmes
Bizarrement, nous n’avons pas échangé de photos, pourquoi ?
Je savais que j’allais passer la nuit avec lui
Cette soirée fut marquante
Il a dû sortir de la caravane, je n’ai pas dû frapper à la porte
Quand je l’ai vu, j’ai ressenti un malaise
Je l’ai écouté par gentillesse
Il avait été déjà jugé
Il m’a raconté la fin de son histoire
Je l’ai écouté patiemment
Il a tout déballé jusqu’à son arrestation
Combien de temps est-il resté derrière les barreaux, je ne sais plus ?
J’ai retenu le principal
Il est prof dans un lycée technique
Son récit m’a perturbé
Une partie de moi le rejetait
J’ai essayé de me protéger sans vouloir le juger
J’ai une énième fois été psychologue mais je me suis tu
Tu voulais changer en sachant ô combien il était difficile d’y croire
Je t’ai senti très mal en me le confiant, tu t’es un peu délivré de cette honte, ce crime
Je t’ai écouté jusqu’au bout par politesse
Je n’avais pas un salaud devant moi, non !
Tu étais sincère d’avoir fait du mal, tu te serais battu avec toi-même
Il a sans doute voulu en finir
Il voulait trouver quelqu’un pour « se refaire » une vie
J’ai cru comprendre qu’il avait repris son travail
Qui connaissait son passé proche ?
Pourquoi sa vie dans une caravane ?
Je ne revois plus son visage
Il a fallu dormir ensemble
Je n’ai pas pu mais je l’ai fait
J’ai cru que la nuit n’en finissait plus
Il m’a touché
Je l’ai repoussé
Nous avons parlé pour raccourcir ce temps nocturne
Au petit matin, nous nous sommes levés, pris le petit déjeuner, banal
Je l’ai laissé là sur son îlot près de son rafiot
Je me suis rué sur mon engin mobile
J’ai fui et j’ai repris ma respiration sur l’autoroute
Mais où étais-je ? L’ai-je bien vécu ?
Quelques années plus tard, j’ai lu une interview bouleversante
Un homme en était à son 2e rdv chez un psychiatre
Il avait le même mal
Il attendait le coup fatal, s’en approchait
Il s’avait qu’il allait retomber, c’était en lui, profondément, un sexe déviant qui ne pouvait pas changer de trajectoire
Il ne voulait plus faire du mal à un enfant mais se faire du mal définitivement.