Prose:Pas La Guerre

C’est une école, la seule à des kilomètres à la ronde. Sur quatre murs un est en ruine et deux autres partiellements détruits.
Il est au milieu des décombres. Il relève la tête doucement. Ils sont partis, le danger avec eux mais il faut quand même faire attention. D’autres se redressent, toujours avec précaution, tout est tellement instable. Ils sont passés vite, mais personne n’a pu les rater. Comment ne pas les voir ces quelques avions qui sillonnent la région plusieurs fois par jour en larguant la mort. Il est débout et la savane désolée qui s’offre à ses yeux lui parait encore plus misérable depuis que la geurre a éclaté. Quand il les regarde du haut de ses douze ans, cela lui donne juste envie d’hurler, hurler au monde toute sa haine et sa déception de l’humanité. Elle arrive juste derrière lui et s’agrippe à son bras, s’agrippe si fort qu’il a l’impression qu’elle veut faire rentrer ses doigts dans sa chair. Il la regarde elle est si magnifique, sa seule raison de vivre. Comment accepter que ses yeux si beaux, si grands soient remplis de larmes. Il la prend dans ces bras et lui raconte comme toujours ce qui bouffe son cœur :
« Chut, ne pleure plus. C’est fini. Pour le moment ils ne sont plus là. Mais tu verras, un jour ça s’arrètera vraiment, un jour on ne sera plus obligés de se cacher dans nos cases. Ce jour là, pour fêter ça, je t’épouserai. On sera heureux parce que la terre n’aura plus la couleur du sang mais celui des légumes que l’on fera pousser ensemble dans le potager ; les balles ne froleront plus notre crâne, il n’y aura plus que le vent pour bercer le moindre de nos mouvements ; et les cris de ces femmes qu’on entend aussi la nuit, ils cesseront en même temps que les armes de nos ennemis. J’y crois, j’y crois vraiment. Ton sourire est si magnifique. On a que douze ans mais moi je sais que je t’aime et que la guerre on n’ira pas la faire. Je passerai juste mes nuits à t’écouter rire et même que tu seras fière de moi parce que je serai le plus grand chasseur de la savane. Ne t’en fais pas, tant qu’on sera ensemble tout ira bien. »
C’était une école, la seule à des kilomètres à la ronde. Sur quatre murs un est en ruine et deux autres partiellements détruits.
Il se rapelle de tout, son enfance dans la peur, son frère parti à jamais pour une cause qu’il n’a toujours pas comprise. Et elle, elle et son sourire, sa manière de danser sans musique dans la chaleur de l’après-midi. Il le sait, jamais, jamais plus il n’aimera comme il l’a aimée. Rien ne la remplacera. Son fusil à la main, un rire amer le prend : que de promesses vaines il lui avait faites… Le jour où elle est partie, emportée par les avions qui rasaient la vie, son cœur à lui aussi s’en est allé, c’est un organe inutile au milieu d’une guerre anarchique.