Poème:Le Vaguemestre De Mulhouse

C’était le temps ou j’étais bidasse,
A Mulhouse je faisais mes classes.
Je faisais l’estafette pour un capitaine
Pédalant, marchant entre les deux casernes.

Je fis connaissance du vaguemestre,
Poivre et sel, beau parleur, ce facteur.
Pour les copains, je récupérais les lettres
De leurs copines, embaumées de douces senteurs.

Des jolis cœurs, des baisers aux rouges à lèvres
Débordaient sur les enveloppes, des mots doux
Faisaient le tour, arc en ciel de mots d’amour,
Apportant pour les cœurs une tendre fièvre.

Je devais lui sembler bien innocent du haut de mes dix neuf ans
Il me parlait toujours de sa passion pour zztop et ses barbus,
Il rêvait de la Grange, des bordels texans, des jolis seins nus
Des expertes et mutines filles de la Nouvelle Orléans.

Il me racontait comme un conteur des plaisirs amoureux
Ses nuits d’amour dans les maisons alsaciennes.
J’étais avec lui avec les belles et expertes gagneuses,
Ses nuits d’orgies avec les magnifiques Marie-Madeleine.

En écoutant du vaguemestre ses licencieuses aventures
Je repensais à la rue d’Amsterdam, aux filles aux mi-bas
Barrés de multicolores, appuyées contre les tristes murs
Qui m’interpellaient aux noms de mignon petit gars.

Bien sur vers la quinzaine du mois, le voilà dans l’embarras
Sa solde évaporée dans les jolies maisons de plaisirs.
Il avait perdu de sa gaité, son regard était triste, sans éclat.
Son air de chien battu nous faisait tous sourire.

Mais nous savions tous qu’à l’arrivée de la nouvelle solde
Notre satyre reprendrait les chemins des ses aventures,
Le lendemain j’irai écouter ses magnifiques odes
A la joie, à l’amour, à la luxure.

J’ai fini mes classes avec un mois de plus,
Je n’ai jamais revu le vaguemestre
Je l’imagine vieillard lubrique à la main leste
Cherchant prés de l’infirmière un tendre abus…