Poème:Le Malin - 1- A La Villette

I- A la Villette

Prés du canal on entendit un hurlement désespéré
Qui réveilla les péniches vers les deux heures du matin,
On ordonna aux femmes et enfants de se cloitrer
Puis les mariniers descendirent sur le Quai sans entrain.

Prés des quais, dans une mare de sang baignée
Par la pâle luminosité d’un quartier de Lune,
Couchée et désarticulée une jeune fille brune
Avait été sauvagement brutalisée et assassinée.

Un jeune mousse fut envoyé pour prévenir la police,
Un jeune capitaine demanda à tous de reculer,
Autour de la scène abominable il posa une corde lisse
Et demanda à tous de rejoindre leurs bateaux sans tarder.

Cette nuit là l’Inspecteur Grabouillot était de service,
Il écouta avec ennui la diatribe du moussaillon
Et avec un agent partit rejoindre le lieu du crime,
Depuis le départ de Vidocq il n’était plus qu’une ombre.

Un jeune homme se tenait prés du corps éclairé
Par une Lune qui disparaissait petit à petit derrière les toits
Biseautés aux tuiles de zincs gris verts des tristes taudis
De ce quartier mal famé qu’était La Villette la nuit,
Les hublots des péniches laissaient passer un rouge grégeois
Se répandant le long des quais comme une flaque ensanglantée.

L’inspecteur Grabouillot fut ébloui un instant par le soleil naissant,
Un rayon doré caressa la chevelure de la jeune fille
Comme si un ange accompagnait la mourante
Vers un Paradis réservé aux pauvres gens sans famille.

L’eau du canal doucement reprenait sa teinte saumâtre,
Les coques des péniches se teintaient de vert, de bleu,
Dans leurs cambuses tous restaient silencieux,
Pourquoi avait il toujours le matin cet air acariâtre.

Le jeune homme enleva sa casquette de capitaine
Puis salua Grabouillot.

- « C’est vous qui avez découvert la jeune fille,
Votre nom ? »

- « Rodolphe, je viens d’arriver à la Villette,
Je suis le capitaine de cette petite goélette. »

- « Vous n’êtes pas marinier,
Et c’est dans ce taudis que vous vous amarrez,
Pourquoi éviter la Bastille,
On est plus proche du centre ville. »

L’étrange capitaine sourit puis demanda
Si il pouvait rejoindre son navire,
Il était à disposition de Grabouillot.

L’inspecteur lui fit signe de repartir,
Il le regarda plus attentivement
Et remarqua sa forte corpulence de géant
Il l’oublia un instant et s’approcha de la victime.

- « C’est un horrible crime inspecteur,
Dit un étranger derrière lui,
Chevalier Dupin, je viens vous épauler,
Ordre du préfet, voilà mon conduit. »

À suivre…