Poème:Lettre À Une Disparue - Fantôme

Jeudi 5 octobre 1987

Chère Emma,

Voilà dix-huit jours que tu n’es plus là. Pour moi cela me paraît une éternité. Depuis
Que tu es partie, je suis sans joie. J’erre comme dans le noir. La lumière que j’essaie
D’atteindre s’obstine à fuir. A chaque fois que j’essaie d’en toucher la surface, elle
Disparaît me laissant seul et encore plus désespéré qu’avant. Cette lumière c’est toi.
Ton fantôme qui s’accroche à moi, je n’essais pas de la chasser, je veux seulement
La garder. Alors sans lumière, je reste dans le noir qui m’apparaît comme un refuge.
Plongé dans son encre, la nuit m’insuffle plus de peine et de douleur qui me bercent
Dans leurs havres de souffrance. Je ne m’appartiens plus. Mon corps est ici-bas
Mais mon esprit est au ciel, avec toi. Sans cesse, je me remémore ton rire, ton
Parfum, ta douceur, ta bonne humeur comme pour me faire plus mal. Au moins,
Quand je fais ça, je me sens vivre, je me sens exister, je ressens enfin quelque chose
Que cette indifférence coutumière qui m’habite. J’espère que toi aussi là-haut tu
Souffres autant que moi de notre séparation. Que tu espères sans te l’avouer que je
Meure pour qu’on se retrouve réunis à nouveau corps et âmes. Et cette fois-là
Nous resterons ensemble à tout jamais. Tu me rediras alors que je suis protégé
Dans ton cœur, que nous n’avons besoin de rien car notre amour nous nourrira. Et
Je te répondrais que nos corps sont les deux moitiés d’un même arbre forgées
De la même écorce, que rien ni personne ne pourra séparer. Et alors nous nous
Aimerons encore et encore jusqu’à n’être qu’une seule âme. Les heures s’écouleront
Animés de nos murmures et de nos souffles enivrés d’amour et de paix.
C’est ce rêve qui me maintient encore en vie. Celui de te rejooindre dans l’autre
Monde quand mon heure sera venue. Je prie chaque jour, chaque seconde pour que
Ma respiration s’arrête ou que ma vieillesse s’accélère. mes prières sont-elles
Vaines ?

Ton amour plus fidèle de jour en jour ;
Sam.