Poème:Lettre À Une Disparue - Culpabilité

Jeudi 14 décembre 1987

Chère Emma,

L’amour comme le vent s’éloigne vers les rivages et tend à disparaître peu à peu à jamais. Crois-tu que cela va nous arriver ? Notre amour est-il si éternel ? Emma, j’ai peur. Peur de te perdre, peur que tu t’évanouisses dans le néant. Je ne me souviens plus de ta voix. Ton souffle n’effleure plus mes oreilles, ton cœur ne bats plus en moi, tes mains ne caressent plus mon visage. Pourquoi est-ce que les ténèbres obscurcissent-ils nos pas ? Nos efforts pour nous retrouver semblent chimériques. Pour la première fois, je doute de nous-mêmes ; de notre amour partagé mais illusoire. Mes rêves transformés en cauchemars m’appellent sans cesse. Peut-être me chuchotent-ils des paroles que je n’ai pas envie d’entendre. Ceux d’un funeste amour perdu à jamais.
Hier, je me suis assis sur les escaliers vieillis de notre caravane. De toutes petites particules lumineuses parsemaient le ciel noir et ombrageux. Eparpillées de toute part ; elles éclairaient très peu l’endroit mais assez pour qu’on puisse distingué quelques peupliers et une douzaine de caravanes. Le brouillard enveloppait l’espace jusqu’à la rue située plus loin, dans les profondeurs de la nuit. J’ai frotté mes mains gelées sur mon pantalon usé pour tenter de me réchauffer. Il était plus d’une heure et demie du matin et la fraîcheur de la nuit avait déposé un léger verglas sur le sol. Fallait-il qu’on soit en plein milieu de l’hiver pour que je sois là, assis sur les marches d’une caravane, en pleine nuit, grelottant, mourant de froid et de sommeil ?
Mais en cet instant, il n’y avait que les étoiles qui m’apportaient un semblant de réconfort. Au moins elles sont toujours là, fidèles et attachantes. Parfois j’emmène un cahier et je me mets à dessiner et à rêver. Je colorie les peupliers vieillis par le temps, je colorie les gens surtout les enfants pleins de vie qui passaient quelquefois par là, je colorie aussi le temps, toutes ses nuances qu’il apporte dans le ciel. Et j’oublie. Comme je ne vis plus, je me contente de regarder le monde autour de moi vivre. C’est si beau. Je les vois vivre et je m’enivre de leurs joies et de leurs bonheurs qui sont devenus des mots étrangers à mon cœur. Quel est le sens de ma vie sinon l’attente de ma mort ?
Oh Emma, Si tu m’aimes, entends-moi.

Ton Sam.