Poème:Le Matin Dans Une Forêt De Pins

Je marche égaré entre les ombres des pins
Découpant les soleils émaillés en mille écrins ;

Mes cris apeurés tirent hors du trou ce qui nichait,
Et révèlent la forêt d’une étrange créature habitée ;
S’approchant timidement, pour me rassurer revêt
Visage humain, d’un masque de renard dissimulé ;

Ainsi attriqué, assèche mes larmes pour me mener
Au chemin terreux d’où ma venue il avait deviné ;

Dès lors ne quittent plus mon esprit de gamin
L’argent de sa toison, le rouge de ses traits peints ;
Le lendemain je m’en retourne visiter au petit matin,
Et de nouveau il m’apparaît au pied d’un grand pin ;

D’amitié liés, à la fin de l’été devons nous quitter ;
Les cahiers de septembre me pressent d’étudier ;
Glisse alors la promesse de venir le retrouver
Sitôt les grands froids scolaires passés ;

Sur les bancs je calcule, mesure et nous compare ;
Voyant que nos corps ne seront tantôt plus si différents ;
Deux à deux, enjambe les saisons qui nous séparent ;
Me fais tant impatient de rejoindre son âge apparent,

Unis d’un anneau de laiton nous allons,
En silence nos voeux formulés souffrent,
Amers de n’avoir pour seul chaperon,
L’incertitude qui nos âmes engouffre ;

À la rivière nous devons consommer
Joignant ainsi nos cannes sans pêcher ;
Puis étendus sur les galets trempés,
Essuyons écumes de ressentis chargées ;

Le soir venu sur la montagne sommes perchés,
À nos yeux s’offrent en un intime rendez-vous ;
Éphémères têtes de perséides du mois d’août
Entremêlées en queues de cheveux argentés ;

Puis arrête sur le chemin du retour,
Derrière moi la créature, le souffle court ;
Mord en pointe le fer nu ravageur,
Patte posée au piège d’un chasseur ;

Sans gémir, me jure ne porter en son cœur
Que le doux regret de voir mes joues mouillées ;
Que cela lui rappelle le bonheur de notre jour premier,
Et ravive d’une dernière mémoire le soir qui se meurt ;

À son tour, il marche égaré entre les ombres des pins
Découpant les lunes maculées en mille écrins.