Poème:Adolescence

La fatigue a déformé les courbes, le corps, la pensée. La fatigue a pris le monde comme la dernière poire que j’ai mangée. J’ai croisé dans la rue, dans le tram, à la danse, au restaurant et puis dans toutes les enclaves où murmurent les douceurs de l’amour, tant d’images, tant de purs visages, tant de sensations qui noient ma perception du désir, tant de sensations qui m’amènent à l’invisibilité d’exister. Quand je parle, quand je rencontre des gens, des amis et des connaissances, quand je m’adresse au monde ou que je marche simplement dans la rue, je me dis : « Est-ce que la personne en face de moi sait qu’elle m’a déjà parlé, me reconnaît-elle, et alors, comment fait-elle ? Est-ce qu’elle se souvient de moi et par quels moyens ? », et quand je regarde mon image dans un miroir juste après avoir fini une discussion où j’étais réellement moi : « Ce n’est pas possible que je ressemble à ça puisque ce que je dis n’y ressemble pas, enfin, rien dans ce que je dis ne se complète avec ce que je suis ! »
Et pire, quand je marche dans la rue, quand je souffre de voir toutes les femmes, si belles, mais j’ai l’impression de ne pas avoir de visage, d’avoir une face invisible et que je passe pire qu’inaperçue, j’ai l’impression d’être absent de ce monde, que je suis littéralement invisible. Ô douloureuse Fatigue !
La fatigue a déformé les courbes, le corps, la pensée. La fatigue a pris le monde comme la dernière poire que j’ai mangée.