Prose:Chloé Me Manque 2

C’étai ce beau jour indéfini dans ma mémoire. C’était ce moment étrange, fatidique, comme une vive douleur, là, à gauche, dans la poitrine. Depuis je n’ai pas eu une la moindre nouvelle. Sérieusement : Pas une lettre, pas une carte postale. Pas un coup de fil ou sms et ni le moindre mail. Chloé est partie comme une voleuse, à pas de velours, sur la pointe des pieds. Il paraît que c’est normal, que tout le monde doit s’y faire. Il paraît que c’est normal… mais moi… non… non non non ! je ne le trouve pas !

J’ai mal, sous le capot…

En partant, elle a oublié de fermer une fenêtre et elle n’a pas claqué la porte. Maintenant, il y avait bien trop de courant d’air. Comme des appels d’air dans ma tête. Je suis épuisé. Je suis contrarié. Je ne tiens plus en l’air, comme l’eu dit certains !

C’était marrant…

On aurait dirait qu’il a comme odeur d’agrume dans ce cloaque ? …

Oui, une odeur d’agrume. Ce parfum exhale dans tout mon être, puis s’echappe, en dehors. Le vent le transporte et laisse son empreinte sur ma route. Il est là, dans l’air, partout où je passe. L’atmosphère s’en imprègne jusque dans la stratosphère. Cela se propage, cela se propage. L’odeur est plus forte selon le bon vouloir de la pression atmosphérique. Elle traîne une légère pointe acide derrière elle.

S’agit-il de citron
d’orange
pamplemousse ? …

S’agit-il de clémentine où tout bonnement de Mandarine ? …

Je ne sais pas trop…

A vrai dire, on dirait un peu comme les bonbons aux fruits de la grand-mère. Je dirai une sorte de mélange, le goût que ça donne quand on en mâche coup sur coup avec le papier. Pour cette exercice, il faut que la bouche et le cerveau soient en parfaite dichotomie. On peut en mâcher jusqu’à l’outrance, s’en goinfrer, jusqu’à ce que la bouche soit pleine, à ras bord, et n’est plus de place dans son conduit. La masse collante se disloque, puis va se glisser, insidieusement, entre les dents. Que c’es bon d’en dénicher des bouts récalcitrants avec la langue ! Que c’est bon de les hacher menu avec les incisives !

Ce qu’il y a bête, c’est que ça ne veut pas toujours venir dans l’ensemble…

Alors on en reprend un autre, un autre, et un autre… Et, si la réserve sépuise, tant pis, ce n’est pas grave. A l’époque, la grand-mère avait toujours du stock disponible. Il suffisait de demander pour que l’on soi servi au quart de tour. D’ailleurs, ce n’était pas la peine de demander. La grand-mère anticipait à chaque fois le réassort pour qu’on ne soi jamais à sec.

La pauvre…

Il y a bien longtemps qu’elle n’en fabrique plus des bonbons aux agrumes. Aujourd’hui, elle vit dans une odieuse maison qui sent l’urine, le caca fermenté. Là-bas, elle ne dispose plus d’une cuisine personnelle. Non, seulement d’une petite chambre livide avec une salle de bain et douche à l’italienne pour qu’on la decrasse comme un caniche dans un salon de toilettage. Elle perd un peu la tête, d’ailleurs, la grand-mère, depuis qu’on l’a placée dans ce mouroir…

La nuit, elle dit que de drôles d’inconnus s’invitent dans sa chambre. Qu’ils passent en catimi par la fenêtre. Que les faisceaux de leurs lampes torches font des petits points rouge dans le noir…
« Ils ne sont pas méchant, mais quand même… » me dit-elle.
Elle dit aussi que les dames de service sont mauvaises parce qu’elles lui piquent tout le temps ses rouges à lèvre. Que le papier toilette disparait comme par magie ainsi que ses mouchoirs. Qu’elle doit cacher ses dolipranes.
« Tu te rends comptes ! Même mes couches disparaissent ! » me dit-elle.
Quelque fois, elle dit encore qu’elle ne devrait pas se réveiller. Que ça serait mieux pour elle et pour tout le monde. Le pire, c’est que je crois qu’elle n’a pas tort la grand-mère. Il paraît ça aussi on doit s’y faire. Que c’est le cycle de la vie. Moi je dis que c’est un cycle infernal. Le cycle de la mort, pour toujours, pour la vie.

Elle ne sourit plus vraiment, que très peu, la grand-mère. Ses lèvres sont frippées, son vieux dentier branle dans sa bouche… Quand je la regarde, son petit nez obtus ressemble de plus en plus au bec d’un moineau malade ? …
« Et si Chloé vient me voir, hein ! je n’ai même pas un seul bonbon à lui offrir, moi ! » me dit-elle, quand je viens lui rendre visite.