Prose:Des Épilithes (Poésie Homosexuelle)

▌Je vis des aisselles noires
sur des oreillers blancs
Je vis des torses blonds
Sur des draps-houses roses
Je vis des géodes de couettes
S’ouvrir sur des pieds brûlants
Je vis des hommes dormir
des corps somnolents
Des poitrines se soulever,
frémir leurs mille petits doigts de marins
De là je vis des pénombres surgir
Des dos menaçants
des récifs de Carrare
de terribles cabestans
Des ducs-d’Albe
où de tous les cordages les mains seules s’y nouaient
Je vis des ganivelles dressées dans le sable des bas-ventres
aux ripple-mark desquelles se froissait le vent
de saprophytes noix-et-dorées couvertes de filaments
Je vis de ces coquillages qu’ils voulaient me cacher
Je vis, cachés, ce qu’ils voulaient me montrer
Et ne voulant pas voir ce que j’adorais regarder
Je vis mourir le doute et naître la passion
mais aussi des folies, nourrit de déraison
des draps s’enflammer comme des spectres
un incendie blanc sur des foyers d’oreillers
qui mordaient la peau, cambraient les dos
Je vis crever des morts, s’ensevelir des vivants
Un narval harponner un triton mythologique
Le mensonge basculer dans une tendresse qui ne s’éteignait pas
La vérité hésiter à la dire, tant cela partageait les gamins
Et puis je vis de ces réveils calmes
Ces rêves qui m’étaient envoyés sans expéditeurs
La lettre froissée dans la corbeille ni moins écrite ni moins lue
les larmes versées, les désespoirs, à leurs manières y ont répondus
Mouillées de larmes ou de baisers
Séché d’oubli sans jamais renoncer
Rien ne s’oublie de ce qui fut aimé
même lorsque s’oublient ceux qui ont aimé

Écrit et lu par A. CA. -M. le rose*
▌dimanche 6 septembre 2020 - Paris
(poète gay & masseur à Paris) ⚣