Poème:Le Chat

Des yeux dans l’obscurité, deux lunes blanches trouant la nuit. Le chat noir
Avance, d’un pas lent et incertain agitant l’herbe garnie de gouttelettes, qui tintent
Tels des grelots d’étoiles. Sa silhouette élancée et son fin pelage lui confèrent un
Profil ombreux dupant la nuit tel un caméléon charmeur, souriant tout léger. Il
Traverse un grand pré d’une couleur vert émeraude, où les fourmis endormies,
Se resserrent minuscules comme des sœurs de la nuit. Il revient d’un voyage,
Aromatique et fantastique, parfumé de délices, de secrets qu’il se garde. Son
Ballotin qu’il s’invente, à la queue suspendu, disparaît subitement, comme une
Illusion d’aventure prochainement reportée. Ses petons misérables, aplatis,
Déformés, l’ont emmené partout comme de vieux souliers ouatés, suivant cirrus
Et cumulus. La venue d’un vent doux, d’une tiédeur enveloppante, informe aux
Moustaches félines l’approche tranquille d’un été confortant. Enumérant chaque
Pas, la tête plus lourde et le cœur bien las, le chat récusant sa fatigue, s’envahit
D’un grand frisson qui engourdit ses membres et tourmente son pauvre corps.
Ses rubis grands ouverts, il lutte encore pour profiter d’un moment si privilégié,
Où le temps figé, retient la nuit profonde et bleue.
Passé une colline et le regard d’ambre doucement envahi par une lumière chaude
Et nourrissante provenant d’une fenêtre, il s’approche enfin de son endroit
D’attache, sa maison qu’il estime tant, où dans chaque pierre les senteurs de
Sucres et de cannelle se lovent. Plus tard, blotti au coin du feu, doucement
Sommeillant, les flammes berçantes et sinueuses emporteront tantôt les rêves
Discrets et les souvenirs sensoriels d’un félin assez trop aventureux.