Poème:Recette Pour Une Vie Oisive

Prenez un bon gars, tiens : un bon fils unique
Et, s’il ne l’est pas, alors, prenez un as de pique…
Laissez-le macérer durant toute sa jeunesse
Dans un pot de miel, humecté de lait d’anesse…

S’il est fils de châtelain,
Il n’a besoin de rien…
Il entrera de lui-même dans le monde des rupins,
En bonne place parmi les cousus d’or et de biens…

Souhaitez-lui tout de même la santé,
Afin qu’il puisse agréablement en profiter,
Doublée d’une bonne once de savoir-vivre
Lui permettant d’éviter les bateaux ivres
Afin que de ne point mettre à mal
Sa somptueuse fusée logée dans le trou d’balle !

Mais, en revanche, s’il n’est qu’un fils de bon à rien,
Prenez simplement pitié de lui, et souhaitez-lui, cela n’engage à rien :
« Bonne chance à toi, mon p’tit gars ! »
« Bosse fort et trime dur ; écoute et tais-toi ; oui, surtout, ferme-la ! »

Plus délicat… S’il est entre les deux,
Tout juste au beau milieu,
Né d’une mère-donne et d’un père avaricieux ;
Donnez-lui une plume et un fil…
C’est, en tous cas, ce que j’ai reçu,
Et que je croyais bien inutile…
Tout au moins au début !
Avant d’encrer ma plume et de tisser le fil
Porteur d’histoires d’êtres adulés ou haïs,
Tous, à égalité, piégés ici,
Ne comprenant pas plus les uns que les autres ce qu’ils y font
Et qui pataugent, se perdent et tournent en rond
Je m’y suis reconnu, d’être né parmi ces gens-là…
Qui ne sont ni pauvres, ni riches ; ceux que l’on ne remarque pas…

J’ai toujours fait, dans ma vie, partie des oisifs,
De ceux qui décidèrent, un jour, que le monde servait à d’autres…
Mon nom est inscrit tout de bas de cette stèle, près de l’if,
Et juste devant, mon prénom, que ne porta aucun des apôtres…

« Resquiecat in pace per aeternita… »
C’est ainsi qu’ils rédigent, soit-disant pour qu’on ne vous oublie pas…