Poème:L’epouvantail

Depuis bien des années, sans même d’identité
Je suis abandonné au milieu de nulle part
Flanqué sur un piquet en guise de promontoir
Trônant sur la vallée, coiffé d’un vieux bonnet
D’un rouge cardinal à cent lieues repéré
Par l’ennemi emplumé en quête d’un abri
Passereaux en goguette se gouaillant de mépris
Délestant leurs fientes sur mon spectre démuni !
Je hais ces volatiles qui me donne le tournis…
A l’aube de l’automne, je me sens dépouillé
La pluie, le vent, l’soleil m’ont un peu asséché !
J’ai hâte que l’on vienne enfin me libérer
Des caprices du temps, des oiseaux tournoyant
Au-dessus de ma tête piaillant, picorant,
Mon vieux bonnet en laine qui me sert de coupe-vent !
Je je n’ai pas d’âme, je ne suis qu’un errant
Sans mémoire et sans cœur aux dires des paysans !
Un drôle d’épouvantail qui vit de l’air du temps,
Le regard éberlué comme si j’allais pleurer !
Je garderai pour moi mes peines et mes regrets…
L’hiver sera long jusqu’au prochain été
Tant mieux je vais pouvoir enfin me reposer,
Mettre un peu d’ordre dans ma tête d’empaillé ;
J’ai tant de souvenirs, d’histoires à raconter !
J’vous laisse imaginer combien j’ai de secrets
Des plus fous au plus tendres, même désespérés !
Je ne peux vous les dire, de plus je suis muet…
Le paysan arrive, c’est l’heure de vous quitter !
Ah ! J’allais oublier… si un jour vous m’voyez
Au détour d’une prairie ou d’un grand champ de blé
Un p’tit signe de la main je me ferais discret !