Prose:Reveurs Flottants

Je ne suis pas triste, je ne suis pas sombre, je suis juste rêveuse…
d’une nuit sans lune je suis la fille, d’une nuit de brume je suis
issue, forme pâle, qui erre dans ces marais, je me surprends à rêver, à
imaginer une autre vie que celle de la nuit… Pourquoi serais-je
contrainte à vivre ici toute cette existence que l’on m’impose, puisque
tel n’est pas mon voeu, puisque telle n’est pas ma volonté, puisque
d’autre chose je rêverais… Il n’est pas nécessaire d’obéir aux règles
imposées quand elles sont abhérentes… On n’a pas le droit d’imposer
un mode de vie à quelqu ’un qui ne trouve pas son bonheur en celui
ci… je ne nuirai à personne en partant, c’est le plus important,
c’est la seule chose qui pouvait me faire renoncer à mes intentions. Je
me nuis à moi même en restant là… donc je pars… c décidé, je quitte
le marais…
Décision prise, il faut encore pouvoir la mettre en pratique… je
suis prête à partir… mais quelque chose m’en empêche… j’ai les
pieds englués dans cette fange… j fais partie de ce monde, j peux pas
m’en échapper comme j l’aurais souhaité… Tout se moque de moi autour
de moi, tout ris de me voir si désorientée, tellement perdue de ne pas
m’être rendue compte que mes rêves d’évasion ne pouvaient que me mener
à la folle déraison… Tout cela n’était qu’une chimère, je ne puis
quitter cette terre… je suis prisonnière… je fais partie de ce
grand tout, de cette boue dans laquelle les autres se traînent sans
sembler se rendre compte que ce qu’ils vivent n’est pas normal que
cette vie n’est pas ce qu’elle devrait être, qu’il manque quelque
chose, qu’on nous vole notre bonheur… Le ciel s’est voilé, la brume
s’est levée, me revoilà isolée… je ne vois plus rien autour de moi,
on dirait que le monde veut me faire perdre la notion de l’espace et me
perdre… corps et âme, dans les méandres de ce monde que je ne
supporte pas… L’idée me vient d’en finir avec cette existence… mais
non… ce n’est pas juste… ce n’est pas à moi de faire ce sacrifice,
ce n’est pas moi qui suis dans mon tort, ce n’est pas moi ce sont eux
qui sont déjà morts… Cette réalité n’est pas la mienne, ce monde
n’est pas celui dans lequel je veux vivre, certes, alors je vais en
changer. . je ne peux le quitter, certes, alors je vais le modifier…
je vais le modeler, dans mon esprit je vais en faire ce que je veux, je
ne vais plus le voir qu’à travers le filtre de mes yeux… c’est mon
regard sur les choses qui en font ce qu’elles sont… à moi de chercher
ce que je veux voir autour de moi…
Un endroit calme, une rivière à l’eau dormante, sans bruit, sans
vie… je m’y allonge, laissant autour de moi l’eau courir et se poser,
mon corps laisser flotter, dans cette apesanteur me laisser aller… et
imaginer… Tout reprend forme autour de moi, je remodèle mon monde à
ma façon, la boue devient gazon, le marais prairie florissante, il
suffit de chercher au fond de soi la lumière qui viendra éclairer les
choses et leur rendre leur beauté… Il suffit de peu pour que la vie
sorte par nos yeux, que l’aura qui nous entoure se projette sur ce que
nous visons… Je ne veux plus vivre dans cet univers rempli de
poison… je veux voir autour de moi harmonie et raison… alors je
crée… alors je pose en mon âme et conscience les bases de mon
existence future, dans cet environnement, cette nature… Autour de
moi, les gens changent, autour de moi je reconnais ceux qui comme moi
ont fuit ce monde qui les dérange… nous sommes plus nombreux que je
ne le pensais, à flotter dans cette eau, si proche du marais, dans
cette rivière de repos, cette isolant qui nous détache de la lie, de la
boue qui nous salit… Nous sommes tous ensemble, prêts à refaire le
monde, à trouver d’autres raisons de vivre que celles qui semblent être
de mise dans cet univers bouffé par les vers de l’intolérance et de
l’égoïsme, de l’indifférence et de l’arrogance… Les profiteurs
coulent dans cette rivière, ils ne flottent pas, sont rejetés par notre
univers, ils ne nous atteindrons pas…
La malédiction lancée par les victimes ici réfugiées commence à
porter ses fruits, les bourreaux d’aujourd’hui seront les victimes de
demain… mais ne périront pas de nos mains… leurs excès, leurs vices
seront leurs supplices… Nous, nous flotterons, toujours, dans cette
réalité parallèle, que nous avons faite si belle… et dans laquelle
nous nous complaisons, parce qu’elle est à l’image de nos rêves, de nos
idéaux et de nos passions… Plus nombreux seront les rêveurs
flottants, plus la vie reprendra de valeur… apprenons donc à ceux
qui nous voient rêver que notre réalité vaut bien la leur, que ce n’est
pas parce que la majorité ne croit en rien que c’est elle qui est sur
le bon chemin… Je pars de ce monde boueux et sans faire mes adieux,
sans un regard en arrière, je vis ma vie, parallèle mais tellement plus
sereine et plus belle, que celle que vous me forciez à partager, en
prenant tout mais sans jamais rien donner… vous m’avez écrasée, je
me suis réveillée, ma lumière j’ai retrouvée et avec elle je vais
revivre, ailleurs, sans peur, et surtout selon mon cœur…