Prose:Un Américain À Paris

Henry James était perdu dans la foule grouillante des Halles, le ventre de Paris était toujours dans un êtat d’agitation extrême, les bouchers avec leurs larges blouses blanches traversaient la foule en portant sur leurs larges épaules les carcasses saignantes des boeufs, des commis déchargeaient légumes, fruits de charettes immobiles rangées le long des trottoirs, leurs sages chevaux étaient d’un calme impérial leurs yeux mi-clos, assoupis malgré l’agitation.
En cette année 1875 il avait quitté sa Nouvelle-Angleterre pour la vieille Europe, la traversée sur le paquebot vapeur s’était déroulée dans une étrange torpeur, les jeunes américaines qui avaient lues un de ses premiers livres tournaient autour de lui comme une charmante compagnie, certaines devaient le prendre pour Edgar allan Poe, il s’en amusait puis pour leurs plaisirs il leur racontait une histoire macabre.
Il avait rendez vous au Nouvel Opéra de Paris,
L’architecte Garnier en était le créateur, chaque soirs depuis Janvier une foule éduquée allait s’émouvoir des premiers ballets, assister aux grands opéras.
Il aperçut Tourgueniev prés d’un fiacre, l’homme était grand, habillé avec élégance, sa lavalière serrée autour de son cou. C’est à l’ambassade qu’il avait rencontré le grand écrivain, ils avaient parlé politique, d’anarchistes et de nihilistes.
C’est dans un café prés de la place de la Concorde que Tourgueniev l’invita la première fois dans un salon littérraire, dans un immeuble cossu prés du Palais-Royal une Comtesse tenait salon, Flaubert, Zola, Maupassant, Daudet, Les frères Goncourt, Verne étaient tous de la soirée. Autour d’une bonne table les génies s’empiffraient comme des gloutons, puis au café pour la digestion s’exprimaient sur les évènements du monde.
Henry James à son arrivée fit sensation, un américain, même de la Nouvelle Angleterre, était pour tous une attraction, ses trente cinq ans, son corps d’athlète forgé à l’université, sa connaissance encyclopédique de la littérature européenne, étonnante et merveilleuse pour tous ces génies rendit le jeune homme sympathique, un acceuil chaleureux lui fut réservé.
Zola parlait politique, s’enflammant contre certains bourgeois qui semblaient ignorer le mal de vivre du peuple, Flaubert avec Maupassant se racontaient quelques histoires de leur Normandie, Verne ne parlait que de progés, la science seule résoudrait les malheurs du monde.
Henry James quitta avec regret la soirée, il se faisait tard et il craignait de tomber sur quelques apaches, son hôtel était situé vers la Butte Montmartre et les rues le soir étaient mal fréquentées. Un jeune peintre, Auguste Renoir, voisin de sa chambre l’avait prévenu des dangers du quartier, un soir autour d’un verre d’absinthe.
Il rentra sans aucune mauvaise rencontre, heureux de sa soirée et des rencontres littéraires de la journée.