Poème:Au Café

C’est vieillot, ça sent la bière, la poussière et les vieux meubles.
Un alcoolique pensif vide son sac de sentiments.
C’est un gaillard à la peau dure qui se retrouve môme de six ans.
Avec les armes de l’innocence il s’attaque aux dédales,

Labyrinthes, choix et habitudes qui ont construit sa vie.
Les regrets plus que les remords le rongent : tant d’espoirs déçus.
L’effroi d’avoir accouché de ses monstres et terreurs d’enfant.
Lucidité éthylique les lui montre soudain comme évidents.
Des rêves plus qu’il ne faut, et ne jamais avoir vraiment vécu.
Dans une vie par procuration, une nana se trémousse de manière sexy.

Dans un rêve par procuration, je vais lui parler d’elle :
De la cambrure de ses reins,
De sa manière de boire du vin,
De l’effet de son sourire et de son rire sur mon chemin,
Où je me casse la gueule en pensant à elle un beau matin.
Ève qui se défit de l’enfer, pour en faire, un paradis artificiel.

Noyés d’alcool et de musique, les cœurs se gonflent
D’humanité, et d’orgueil aussi parfois.
Les bons musiciens sachant jouer exposent leurs talents,
Les mauvais chanteurs sachant gueuler, dégueulent leurs sentiments.
Pourtant, l’humanité, et la sensibilité ne sont pas l’apanage des rois.
Et parfois un tremblement de voix insuffle

Comme un écho de vérité qui résonne en notre âme.
Un frisson nous parcourt, provoqué par le rire d’un quidam.
Une larme versée pour des accords de désespoir,
Nous fait apercevoir l’étendue perdue de nos nuits noires.

Une vie à jamais enterrée, cherchant à oublier le passé.
Et ruminer nos insuccès et nos erreurs,
Ne jamais rattraper celle qu’on avait espéré,
Ne jamais entreprendre de se construire aimable,
Ne jamais travailler à devenir affable.
Savoir que tout le monde en est là : profiter de ce bonheur.

Et dans une ivresse qui nous inspire,
Faire une messe du seul poème que l’on connait,
Et comme si des milliers on en savait.
Payer une tournée les poches pleines,
Millionnaire de tout ce vide qui saigne.
Oublier que demain nous perdrons notre empire :

Une merde dégoulinante pour commencer la matinée,
Une haleine fétide de rat crevé,
Un poignard dans la tête planté !
Une boule au cœur de n’avoir pas su apprivoiser son regard étoilé.

Delideal