Prose:Experience Spatiale

J’ouvre les yeux péniblement sous des paupières un peu sèches. De mon environnement je ne perçois que des sons étouffés et suis enroulé dans un enchevêtrement de fils sombres et soyeux. Je me tortille pour essayer de me démêler de cette pelote qui m’enserre, ne faisant que me ligoter davantage. D’un petit coup de dent précis, je sectionne des fils au niveau de ma bouche. Quand ils cèdent, ils semblent s’enrouler sur eux même, dans un claquement doux. Le travail pour m’extraire de cette geôle avance péniblement, quand subitement une brèche ronde s’ouvre me permettant de passer la tête facilement, puis, sans effort, le reste de mon corps souple.
Je tombe sur une surface froide et lisse, sur laquelle je glisse sans pouvoir me rattraper. Étonné, j’arrive sur le dos, pour m’apercevoir que je suis entouré de corps durs et annelés, qui semblent inanimés. Entassés les uns sur les autres, sans ordre précis, leur contact laisse sur ma peau, comme un nuage de poudre claire. Les yeux secs, je tente d’avancer entre ces êtres inertes. Je m’appuie sur l’un, évite l’autre, car j’ai l’impression qu’ils absorbent toute l’eau de mon corps.
Tout d’un coup un séisme les fait s’entrechoquer et se déplacer rapidement vers une bouche béante qui les avale en grand nombre, sans aucune résistance de leur part. Ventousé, à l’un d’eux, dans cette pagaille innommable je suis chahuté, écrasé, malmené… Mais quand le séisme prend fin, je suis vivant. Ma tête tourne un peu, ce qui vient de se passer me laisse inquiet et sans réponse. Beaucoup de mes acolytes inertes ont disparu, et les autres ne semblent pas du tout inquiets.
Après un claquement assourdissant, un silence de plomb s’établit et subitement le noir total m’environne. Tant bien que mal, j’avance en escaladant ces êtres en forme de coudes. Mon corps maintenant totalement asséché à du mal à glisser entre eux.
Enfin, je n’ai plus rien à escalader. Une lumière m’aveugle quand de nouveau un tremblement secoue mes compagnons figés. Je me sens tomber… . Attirer vers cette bouche qui pour la seconde fois, se met à avaler tout ce qu’il y a, à sa portée. L’être qui me supporte glisse et rebondit sur un support de couleur écarlate et va se loger derrière une chose de forme bizarre, qui émet une chaleur insupportable.
Mon corps desséché glisse inexorablement vers une surface où je me reflète. D’un dernier élan je me propulse loin de la source de chaleur. Les bruits environnants m’assourdissent et mon cœur bat la chamade lorsque je me cache, enfin dans une forêt de branches sèches qui sentent très fort. Je me sens à l’abri. Plus rien ne bouge, plus rien ne pompe l’eau de ma peau. Juste un petit chuintement lancinant se faire entendre. Je respire calmement et reprends mes esprits.
Mu par la curiosité, sans un bruit j’avance lentement, et pars à la découverte de cet univers inconnu. Des bruits me font tourner la tête. Une forme immense s’avance vers moi. Elle semble flotter pendant que je me bats pour rester coller au support sur lequel je suis. Je me retrouve cul par-dessus tête, le haut en bas, le bas est en haut. Telle une feuille je tournoie, sans savoir à quoi me raccrocher. Mon corps n’a plus aucune adhérence. J’arrive enfin, à me poser sur un cube blanc. Tout est redevenu stable.
Essoufflé, je m’octroie, quelques instants de répit, quand une ombre lentement, se projette au-dessus de mon corps. Juste le temps de lever les yeux, et se profile une longue forme rosée toute striée, qui empeste la forêt dans laquelle j’étais il y a peu.
Inexorablement elle s’avance vers moi, à tel point que je sens sa chaleur. Je tente de fuir, mais mon corps fatigué ne répond plus. Une pression sur mon dos, et tout mon être explose, se répandant sur le cube blanc.
« Oh… Font chier ces vers de farine ! ! Même sur Vega on les retrouve ces bouffeurs de combinaisons spatiales et de vivres… J’aurais pas du l’écraser, ça nous aurait fait de la viande fraîche dans les pâtes aux aromates. C’est tellement rare… Sale réflexe terrien… »
Domi SAGNE
10. 11. 2015