Prose:Lou Et Le Berger

Lou est un petit garçon de huit ans, tout blond tout mignon, solitaire et aventurier. Il sait depuis toujours qu’il sera berger, comme tous les ancêtres de sa famille. Combien de fois, malgré ses petites jambes et sa petite taille, il a guidé un troupeau de moutons dans la montagne ! Autant de fois qu’il le pouvait ! Par tous les temps et tous les vents, il courrait rejoindre son grand-père, là-haut sur la montagne, sur les pentes escarpées, car c’est avec lui qu’il se sentait le plus heureux.
Aujourd’hui, alors qu’il redescend seul des hauteurs pour rejoindre ses parents qui l’attendent chez eux, la vue d’un gros caillou qui pouvait aisément servir de banc le troubla. Souvenir…
Il se souvient d’un jour particulier, il avait quatre ans, peut-être cinq. Dans le pâturage, Lou avait retrouvé son mouton préféré, celui avec une marque noire près de l’œil, partiellement dévoré. Les larmes qui roulaient sur ses joues témoignaient de toute sa tristesse.
Son papi et lui s’étaient installés sur un gros caillou, plus gros que tous les autres. Lou se rappela qu’il devait se hisser sur la pierre tant il était petit, déjà à l’époque.
-Chut, Lou. Ne pleure pas, mon petit.
-Je ne vais plus voir mon mouton, avait sangloté Lou, en se mouchant sur son bras.
-C’est vrai, tu ne le verras plus avec tes yeux… mais avec ton cœur.
Papi avait ôté son vieux béret et l’avait déposé sur la petite tête blonde de Lou.
-Il faut t’endurcir, mon garçon ! Un jour, tu seras un grand berger et il te faudra accepter ce genre de chose ! Pour te consoler, je vais te donner quelque chose.
Papi avait fouillé dans la poche de son pantalon usé. Il en avait sorti un médaillon qu’il avait tendu à Lou.
-Prends-le, mon petit.
Lou put distinguer un drôle d’animal gravé dessus.
-C’est une licorne, avait expliqué le vieux berger, une créature immortelle. Ce médaillon appartenait à Oscar, mon chien. Tu vois, c’est comme ça que je me rappelle de lui. En train de courir derrière les bêtes, son médaillon autour de son cou.
Une larme roula sur la joue de Lou. Aujourd’hui, papi ne veille plus d’un œil taquin sur son troupeau. Papi a rejoint le petit mouton avec la marque noire. Et il avait raison ; car Lou ne peut plus voir son grand-père avec ses yeux, mais son cœur lui permet de l’imaginer marchant, plus haut, là-bas, son bâton de berger à la main. Papi ne sera jamais loin. D’ailleurs, le béret usé jusqu’à la corde que Lou porte en ce moment sur la tête et le médaillon qui trône sur sa table de chevet le prouvent.
Oui, Lou deviendra un grand berger et un grand homme car il n’oubliera jamais ceux qui lui ont tout appris. Comme la licorne du médaillon, le souvenir est une créature immortelle…

2014 © Floriane Aubin