Poème:L’homme

Toi, dont le monde ignore encore le vrai nom,
Esprit mystérieux, mortel, ange ou démon,
Qui que tu sois, bon ou fatal génie,
J’aime de tes concerts la sauvage harmonie,

Comme j’aime le bruit de la foudre et des vents,
Se mêlent dans l’orage à la voix des torrents !
La nuit est ton séjour, l’horreur est ton domaine :
L’aigle, roi des déserts, dédaigne ainsi la plaine ;

Il ne veux, comme toi, que les rocs escarpés
Que l’hiver a blanchis, que la foudre a frappé ;
Des rivages couverts des débris du naufrage,
Ou des champs tout noircis des restes du carnage.

Et, tandis que l’oiseau qui chante ses douleurs
Bâtit au bord des eaux son nid parmi les fleurs,
Lui, des sommets d’Athos franchit l’horrible crime,
Suspend aux flancs des monts son aire sur l’abîme,

Et là, seul, entouré de membres palpitants
Des rochers d’un sang noir sans cesse dégoûtants,
Trouvant sa volupté dans les cris de sa proie,
Bercé par la tempête, il s’endort dans sa joie