Poème:Jungle

On me dit que la Nature est une jungle
Où le plus gros toujours dévore le plus petit
Que son moteur n’est qu’une sombre affaire d’appétit
Qu’il ne faut pas monter les sentiments en épingle

Pourtant les inséparables vivent de vraies idylles
Lorsqu’un éléphant meurt tout le groupe se rassemble
Ils lèvent leurs trompes au ciel pour pleurer ensemble
Que dire des pluviers dans la bouche des crocodiles

Mais entre le vrai, le faux, il n’y a qu’un cheveu
L’intérêt est une lunette qui déforme le monde
Les préjugés sont comme une lumière qui nous inonde
Dans laquelle, tel un jeu d’ombres, on voit ce qu’on veut

Quand un pygargue qui a perdu sa compagne
Se laisse mourir de chagrin, le cercle cartésien
Crie : « anthropomorphisme, vous n’en savez rien
Des automates sont les bêtes de la campagne ! »

Mais les mêmes qui assemblent vis, boulons, fils de cuivre
Loue avec ferveur l’intelligence artificielle
Dans leurs têtes, règne une confusion démentielle
Car jamais on ne verra une pierre nous suivre

Ils confondent choses inanimées et le vivant
Un robot n’est que la projection de son auteur
Pour fonctionner une voiture a besoin d’un moteur
Alors qu’ une biche pour courir n’a pas besoin de vent

L’intelligence est nulle quand elle n’est pas volontaire
La vie qu’on donne aux robots, c’est le pire des maux
On la reprend à nos frères de peines, les animaux
Et avec nos monstres d’acier on recouvre la terre