Texte:Le Retour

Je marche lentement, tout, autour de moi, me semble si familier. Ces rues, ces commerces, cette place centrale et même cette odeur. Pas de doute, je suis bien de retour. Malgré tout cela, un sentiment étrange m’imprègne, celui de ne pas être à ma place. Seulement, c’est bien ici que tout à commencer, je me souviens encore le doux parfum du camion à gaufre où je m’arrêtai systématiquement après l’école. J’observe les rues autour de moi et les voilà maintenant jonchées de détails que je n’avais jamais remarqués. Ce bâtiment à ma droite avait-il la façade verte la dernière fois que je suis venu ? Je ne sais plus, j’hésite. Pourquoi cela me perturbe-t-il tant ? Je suis certain qu’avant cette devanture était bleue ! En tout cas, elle serait diablement mieux de cette couleur. Et était-ce ces pavés-là qui remplissaient la place centrale avant ? Il ne me semble pas non plus. Les anciens avaient tout de même beaucoup plus de charme ! Voilà quinze années que je ne suis pas rentré dans ma ville natale, celle où j’ai grandi, et ils en profitent pour tout changer ! Ces gens n’en ont-ils que faire de détruire les souvenirs d’enfance ? Tout est devenu si banal. Et ce bâtiment vert est nauséabond.

Dans mon esprit, ce lieu était rempli d’une magie indescriptible, envouté d’une âme si enchanteresse qu’elle rendait absolument tout cela merveilleux. C’est ici que mes souvenirs les plus fabuleux se sont forgés et voilà qu’aujourd’hui autour de moi, il en reste uniquement des fragments enveloppés de cette laideur qui s’est emparé des lieux. Cette ville ne ressemble définitivement plus à celle que j’ai connue. Ou alors, est-ce la nostalgie qui me rend si critique ? Était-ce réellement mieux avant ? Ce bâtiment était-il objectivement plus beau en bleu ? Je suis venu ici pour oublier les tracas de la vie, retrouver cette sensation que j’avais lorsque j’étais enfant. Néanmoins, je ne retrouve absolument pas en ce lieu l’ambiance que mes souvenirs avaient gardée de la ville. Ou alors était-ce parfois à l’époque aussi morose que ça l’est actuellement. La nostalgie ne serait-elle pas la gardienne des souvenirs heureux ? Ceux auxquels on pense lorsque rien ne va ? Ne serait-elle pas la gardienne d’un château érigé sur l’ataraxie ?

J’ai l’impression d’avoir été trahi. Je suis venu ici chercher du réconfort, une sorte de potion magique pour panser les plaies de ma vie actuelle et me voilà encore plus démuni qu’avant mon arrivée. La nostalgie ne serait-elle pas finalement une sadique héroïne ? Une pluie mensongère qui vous martèle l’esprit de bonheur et que la réalité transforme en mélancolie ?

Je marche lentement et tout, autour de moi, me semble si étranger et impersonnel. Je suis venu requérir la consolation et je n’ai atteint que déréliction.