Prose:La Connaissance Absolue

Imaginons un instant que l’Homme serait capable de savoir répondre, exactement et dans la stricte vérité, à toutes les questions qu’on puisse se poser.

Merveilleux, ce serait d’abord merveilleux. Tout est familier, tout est vraisemblable. L’Homme est capable de savoir, d’anticiper et d’appréhender des comportements, des phénomènes ou des faits qui se sont déroulés dans le passé. Imaginons donc que rien ne puisse nous échapper, pas même la raison de l’existence…

Penseriez-vous que les gens seraient heureux et cela pour toujours ? Je ne pense pas, véritablement pas.

Je ne propose pas l’idée que l’Homme pourrait être triste de tout savoir, mais réciproquement il ne pourrait se cacher de rien.
L’intimité, l’anonymat, plus rien ne puis plus exister… autrement dit les gens deviennent petit-à-petit fous. Fous de connaître, fous de ne plus savoir, de ne plus douter et d’agir trop rapidement.
La vie devient alors naturellement longue, sans sursaut, monotone et prévisible.

Alors que vous sortirez dehors et rencontreriez votre âme-sœur, tous ses défauts, ses désirs seraient palpables, mais bien trop pour garder la stabilité qu’il en convienne pour que vous puissiez rester ensemble.

De ce fait, la seule chose qui nous coupait du monde, nous octroyait le droit de penser (librement) sans divulguer ses idées, disparaît.

Qui pourrait ne pas penser mal, avoir des idées sombres, fantasmer ? Personne. Il serait même impossible de se cacher de dehors et même de soi-même (depuis la naissance) .

La question de l’évidence ne se pose plus, elle existe nécessairement et perpétuellement. En revanche, plus personne n’est neutre, tout le monde pense et agit de la même façon puisque tout le monde connaît manifestement la réponse à l’acte et sa force d’action.

Cette force se répercute sur la santé morale de chacun, rejeté de tout caractère subjectif, tout le monde vit pareil, tout le monde meurt pareil, le monde est identique et identiquement pâle.

L’horizontalité des savoirs et des rapports de domination créeront une multitude d’interactions totalement à l’encontre de celles que l’on connaît actuellement. D’abord, je saurais dans les moindres détails là où tu veux en venir et ensuite comment tu le diras. Puis, je saurais comment te faire dire, sans vraiment te le dire, pas même te l’expliquer. Tout du moins, je serai toi, et toi tu seras moi, enfin non : on sera un seul.

La quête du monde est achevée et même plus : le monde est assimilé et même accaparé.
Comme si l’on regardait un film que l’on avait réalisé, joué, filmé puis critiqué.
Au plus sombre qu’est donc cette hypothèse, la triste fatalité de la connaissance (bien que nous sachons déjà qu’elle est infinie) est qu’elle nous enlève une partie de nous, ce que nous sommes vraiment, ce que nous ne sommes pas et ne souhaitons pas devenir.

La vie est belle comme cela, pas besoin d’artifice ni de réponse : les questions font très bien réfléchir elles aussi.