Poème:Atlantique

Ta blonde chevelure ondule avec le vent
Et se teinte de roux sous les soleils levants

Assise face à toi, contemplant ta peau nue
Je croise le collier sans perles ni valeur
Qu’y a posé un dieu aimant et inconnu
L’horizon ; vers lequel s’essoufflent les voleurs

En silence je te regarde respirer
Tu expires et m’inspires au rythme des marées

La caresse ancestrale de ton souffle pur
M’étreint le corps entier et s’allie au soleil
Sur ma peau comme un drap plus léger qu’un murmure
Mais chargé d’amertume

J’ai vu ton cœur, Atlantique, près de la côte
Il était noir et dur, éructé de enfers
Plus brisé, plus tranchant que des éclats de verre
Ton cœur s’est arrêté, le mien bat sous mes côtes

Mon corps se lève marcher vers le bleu du tien
Vers la tristesse que ton silence contient
Et tout défile entre tes grains de sable ardent
Tout s’enfuit sous mes pas, les yeux te regardant

Tu étreins mes chevilles, mes poignets puis ma gorge
De tes bras infinis et plus froids que la mort
Contre les vagues que le vent face à moi forge
J’avance vers le silence de mon sort

Muettes, semblables à des soupirs ailés
Tes bouches papillonnent en l’azur indomptable
Elles prononcent des baisers d’inégalable
Intensité. Douces méduses d’eau salée

Qui déposent contre la peau de tes amants
La rose marque de leurs lèvres en s’en allant

En s’en allant…

Atlantique l’éternelle. Toi qui jamais ne t’en ira. D’où te vient cet air si terne ? D’où proviennent les larmes qui mouillent et salent le bleu de ton regard profond ? Et d’où revient ton cœur pour être si froid ? Toi qui tue les hommes dans tes noires colères. D’où viennent-elles ? Atlantique l’immortelle. Tu as emprisonné le temps en milliards de lambeaux oubliés. Tu as figé ton sablier.

Et moi. La voleuse d’horizon, je me suis essoufflée. Les inlassables vagues, pareilles à des matins, ont épuisé mon corps. Il n’est plus qu’un lambeau flottant entre les soirs ; se demandant, dans leur morne connexité, sous lequel s’arrêter. Lequel verra pour la dernière fois mon regard se fermer et mes côtes s’aplatir sous le poids de leur ultime expiration…

Quand se couvre le ciel de gris et blancs nuages
Le blond s’efface pour libérer ton grand âge
Le bleu paisible s’abandonne à l’azur grave
Et tout semble sombrer, le jour n’est plus qu’épave

Tout paraît si léger entre tes bras, pourtant
Au delà de l’apparente suavité
Sont pesantes les griffes de la gravité

Laisse-moi devenir une poignée de temps
Quelques secondes à peine, un éternel instant
Fige-moi sous les traits de ton éternité

Prisonnière
De ton imbrisable collier
Enfin je me libère

Adieu saisons, adieu la vie
Quand l’horizon et l’infini
Tant convoités par mes soins éphémères
Plongent dans l’onde de mon corps qui sombre.