Poème:Le Facteur Du Village

Je suis postier
Jadis, mon père l’était déjà
Le matin, il sautait dans ses souliers
Agrippait son vélo, pour, finalement faire les cent pas
J’ai repris le flambeau
J’en suis très fier
J’ai gardé la casquette de mon père
Que j’enfile au gré de mes humeurs
Et que je serre parfois, contre mon cœur

Ce que j’aime ? Le contact avec les gens
Ils sont sympas, parfois marrant
Ils m’offrent souvent un café
Que j’accepte le matin quand je suis gelé
Je fais toujours mon parcours à vélo
Je mets sur ma tête, mon chapeau
Et je suis paré pour toute la matinée

« -Bonjour, c’est pour un recommandé »
« -Repassez, je n’suis pas habillée »
« -C’est que je n’peux pas
Je vous attends en bas »
La personne arrive à moitié débraillé
Aussi, un tantinet excédé
Je sens bien que je la dérange
Même si cela peut paraître étrange
Car je ne fais que passer
Je ne suis que le postier

Heureusement, tout le monde n’est pas comme ça
Des gens gentils, il y en a des tas
Parfois, je rends des services
Surtout aux personnages âgées
Je peux leur remplacer des vis
Ou bien prendre leur courrier
Pour ce, qui ne peuvent se déplacer

Les conditions de travail
Sont devenues déplorables
On travaille maintenant à la chaine
On s’en sort avec beaucoup de peine
Le côté humain est presque inexistant
On fait passer l’argent, avant de faire passer les gens
Je suis réfractaire aux nouvelles méthodes
Même si j’en connais les rouages et les codes
Je reste fidèle à ce que je suis
Un postier à l’écoute d’autrui
Ce qui me vaut parfois des blâmes

Si un jour vous me croisez
Je me ferais un plaisir de vous parler
Je vous raconterai l’histoire du postier
Qui ramenait des colis, du courriers
Un postier comme on aimait parfois en rencontrer
Juste pour discuter
Qui amenait de la chaleur humaine
Tous les jours, toutes les semaines
Aux personnes isolées
Qui souvent, étaient très âgées

Mais la poste de mon village a fermé
Et des centaines de personnes abandonnées
Le facteur a été reclassé
De la province, je me suis retrouvé à Paris
Derrière un guichet
Je n’aime pas la grisaille d’ici
J’ai eu beaucoup de mal à m’adapter
Il parait que j’ai un bon rendement
Mais tout ça, c’est du vent
Je donnerai tout ce que j’ai
Pour retrouver mon vélo, ma tournée
Je suis confiné dans un costume trop serré
Je serre les dents, et je souris, quand même, aux gens

Parfois quand je repense à mon père
Je me dis qu’il a eu de la chance de faire toute sa carrière
Assis sur son vélo par tous les temps
A l’époque, où l’argent n’était pas plus important qu’ les gens

Mais ça c’était avant…