Prose:Manque De Toi

J’attends le train. Il fait froid. Les pales nuits d’hiver se sont installées et la brume blanchâtre se dessine à chaque coin de l’horizon. J’essaye de réchauffer mes mains dans les poches de mon caban. Je mets mon casque, l’horizon se tait. La musique coule dans mes oreilles, mots de velours dans un cœur d’acier. J’inspire lentement. Mes nerfs se relâchent. Les battements de mon cœur se font plus calmes. Les jours défilent, les heures passent. Ma vie n’a plus de sens. J’oscille entre la colère et le chagrin. Perdue dans une solitude qui grandit et m’emprisonne. Les murs du deuil se referment sur mon corps fatigué. Les mots n’ont plus de saveur, la vie plus de couleur. Continuer, s’acharner à courir contre le temps qui me fracasse toujours un peu plus. J’empeche ma tristesse de couler. Je la regarde de loin, essayant de la maintenir à distance. Je crie dans mon âme mais je ne m’entends pas. Chaque lien de mes neurones se grille sous l’injustice reine. Il est parti, sans un mot, sans un bruit, sans même un au revoir. Lui la fureur de vivre, lui l’ouvrier du cœur, lui l’artiste des mots. Je manque de toi ici bas, sur cette planète qui ne brille plus par ta lueur. Il fait gris dans ma tête, il pleut dans ma peau. Je t’attends encore un peu, je crois que tu vas revenir, j’en suis sûre. Mais les mois passent et tu n’es toujours pas là. Ton image est dans tous les paysages, elle borde mon lit de souvenir. Une tombe couverte de roses, je m’attendais à cela. Mais seulement quelques pierres blanches décorées de cendre se dressent dans le jardin des souvenirs. Ta plaque est impersonnelle au milieu de toutes les autres avec les mêmes couleurs sombres, des lettres noires inscrivent seulement ton nom et une date. Unique trace de ton passage dans les allées du monde.
Il m’arrive parfois de me perdre dans les rues de Rouen et quand je tends l’oreille j’arrive à percevoir le son de ta vie. Éclat de rire, coup de gueule, amour, générosité, innocence, gentillesse. Tu as gravé les murs de cette sombre ville en lettres d’étoiles. Et éclaire mon chemin quand le cœur est trop gris pour guider mes yeux. Ne reste pas trop loin, ne perds pas ton éclat, il fait froid dans mon âme, il neige sous le soleil. Mes larmes gèlent le temps, emprisonnent ton souvenir. Guide mes pas vers l’horizon où tu n’es plus. Laisse ton ombre envelopper les astres pour que je sache où poser le regard.