Prose:La Jalousie

Vous étiez le plus heureux des hommes, la vie vous souriait, elle vous comblait d’aise et de bienfaits.
Vous étiez la gaieté même, la générosité, le courage, on parlait de vous avec respect.
Vous étiez aimante, joyeuse et tendre, on disait de partout, que vous sentiez bon le lait et le pain d’épices.
Elle était fine, généreuse, belle comme une icône sublimée par un trait de génie.
Elle était la lumière de votre vie, vous disiez partout avec une certaine assurance que c’était votre rayon de soleil, votre pot de miel…
Vous étiez souvent plus gai et plus euphorique que d’ordinaire, engoncé dans vos habits amples, larges et gonflants.
La femme que vous vénériez était là soumisse, assise tout près dans le fauteuil cerise du salon.
Elle était absente, mais à cette absence, vous étiez indifférent, étranger.
Il vous suffisait de la sentir pour être heureux, comblé, ravi de posséder ce bel être.
A vos yeux c’était un objet, un objet d’art admirable. Elle avait un cœur gros comme une montagne, vous le sentez battre rien que pour vous sous les fines dentelles de sa lingerie, dont elle avait le secret et qu’elle portait avec si belle grâce.
Vous la trouviez intelligente, surprenante, admirable et vous rendiez grâce à dieu de cette belle rencontre, que vous disiez fortuite, pour cacher votre embarras.
Lorsque vous étiez affable, vous disiez à vos chers amis, que vous étiez l’homme le plus heureux, le plus chanceux des hommes sur cette terre, après l’éternel.
Et chacun deux à sa manière se réjouissait de votre bonheur…
C’est le mot juste, vous encensiez le bonheur et la paix sans grand effort, comme si c’était quelque chose d’acquis, d’éternelle.
Pourtant on sent chez vous comme une fébrilité tangible, palpable, dès lors que l’on vous observe soigneusement en retrait depuis un coin d’ombre.
Votre belle assurance se dissipe aussitôt, qu’un homme autre que vous l’approche, l’aborde ou se hisse à l’assaut de votre âme sœur.
Votre assurance ordinaire se raréfie aussitôt, vos mains deviennent moites et fébriles, se ravisent, se contorsionnent, se querellent nerveusement les plis si soignés de votre joli pantalon.
Vos cheveux en brosses, les poils de votre moustache s’hérissent tandis que des gouttes de sueur perlent à votre front lisse et autoritaire.
Ce coup de chaleur vous exténue et vous avez la plus grande peine à trouver votre souffle à respirer sous les rides qui font leur soudaine apparition.
Vous souffrez avant même que la canicule s’annonce et je pense en connaître la cause…