Prose:Appartement 13 Bis

Il a d’abord du mal à ouvrir la porte, mais en forçant quelque peu, en pesant de tout son poids il y parvient finalement. Le rez de chaussée est un peu sombre, mais les contours des murs sont familiers.

Au fond de la salle, l’ascenseur étroit. Il peut vous emmener au sommet en un instant pour les quelques chanceux qui parviennent à s’y glisser. Des rumeurs brumeuses racontent qu’ils ont vendu leur âme au propriétaire pour y pénétrer.
Et quant à ceux qui s’insèrent sans y être invités, ils resteraient bloqués en bas à jamais. Ou pire ?

Notre visiteur ignore la cage de métal, et se tourne vers la porte adjacente, peu avenante… La poignée rouillée résiste quelques instants, mais une torsion vive associée à un coup d’épaule vigoureux, et la grinçante ouverture dévoile un dédale de marches.

Le froid corridor n’est éclairé que partiellement, l’homme s’avance vers le bord et tente de percer la noirceur de l’abîme. Mais ne lui parviennent que des gémissements et des appels, qui le font frissonner… Hors de question qu’il descende ! Il entreprend alors d’escalader les parois, vers les hauteurs…

Son ascension est longue, et solitaire. Ses mains glissent, il manque à maintes reprises de tomber… Contre toute attente, il parvient après des siècles d’acrobaties à se hisser à l’étage… Contemplant le vide, il réalise quel exploit il a accompli. Malheureusement, il n’est pas à sa place ici…

Alors qu’il arpente des couloirs décevants, décrépis, il se demande s’il n’aurait pas mieux fait de rester en bas. Les tableaux semblent l’espionner, il ressent un œil malveillant derrière lui, qui l’observe, méditant sur la meilleure façon de l’évincer.

L’homme s’aperçoit alors qu’il commence à tourner en rond. Tous les angles se ressemblent… Même les ombres deviennent familières… Vient alors à sa rencontre une silhouette élancée, et maigre, aux bras de paille, au visage de ténèbres. Il est le concierge, le gardien, il rôde dans les couloirs avec une grande faux, qu’il transporte pour quelque obscure raison.

Immédiatement l’homme comprend, il doit fuir cet être, on ne veut pas de lui ici, il doit s’enfuir, mais la silhouette le poursuit, infatigable, elle semble glisser en l’air, comme poussée, portée par des mains invisibles.

Dans sa course l’homme ouvre au hasard une porte entrouverte. On peut lire en lettres de platine, l’inscription « 13 bis » sur le bois patiné. La porte n’ouvre que sur une pièce unique, terminée par une fenêtre ouverte. L’homme s’arrête, se retourne. Il peut voir un sourire morbide, d’un blanc laiteux, se dessiner dans le visage de ténèbres.

Dehors, le soleil projette ses rayons, une légère brise s’engouffre dans la pièce, en fait le tour, et vient caresser le visage du condamné. Qui sourit. Oui il sourit, ses jambes semblent alors se mouvoir seules, il saute par la fenêtre, les yeux grand ouverts, abandonnant l’immeuble miteux et la silhouette fulminante, et s’envole.