Poème:Mégalomanie

J’ai atteint le sommet en créant l’Univers à mon image. Dieu peut se morfondre sur son cottoneux nuage…

J’ai détrôné par mon excellence son règne d’impuissance, j’ai redonné à la sacro-sainte religion ses lettres rougeoyantes et la Bible désormais sacrera mon Nom. Sur l’antre de mon ambition, j’ai sacrifié mon âme pour la Reconnaissance éternelle, j’ai pactisé avec le Diable, enlaçant nos plus grands vices dans l’amour et le sang…

Et les êtres se sont damnés pour entrer dans mon monde, pour prier ma venue, annoncer ma naissance. Dans un souffle de corruption, j’ai promis la libération du poids de leur fardeau, pour mieux les faire ramper devant ma considération. Je crache sur le Monde et il m’en remercie, je leur livre mes démons et ils en redemandent…

Je suis l’Antéchrist personnifié et le peuple n’a de cesse que de glorifier mes actes dépravés. Ahaha ! Ils ont cru que ma dévotion à crier ma douleur leur serait salvatrice car ils partageaient les mêmes démons. Maintenant, ils se nourrissent des miens, drogués à l’émotion, à ma vie débridée, s’injectant le poison de mes paroles torturées dans un même Elan… Ils fuient en avant et ne s’en rendent même plus compte.

Mon chant de sirène, mon talent sussurré à leurs oreilles à envoûter leurs sens jusqu’à en perdre la raison. Je suis le fantôme de vos nuits, je vis en vous sans relâche. Vous ne pouvez vous dispersez, ma musique vous ramène toujours à vos émotions les plus profondes. Je perce vos plus obscurs secrets et vos plus grandes angoisses prennent lors forme devant l’absolu vérité de mes mots.

Je maîtrise parfaitement l’art de la description. Vous revivez en m’écoutant, vos visages s’éclairent, vous avez la sensation d’être moi. Mais vous oubliez que c’est moi qui suis en vous. Il n’y a qu’un seul être qui dirige le monde, vous vous le subissez, c’est comme ça. Mais vous êtes dans une telle admiration face à ma perfection que me perdre vous serait fatal.

Car je peux faire taire toute la Tierre entière d’un seul geste de ma main.

Que l’on boive mes paroles.

Que l’on respire mes pensées.

Vous ne vivrez plus jamais qu’à travers moi…

Vous mes esclaves, qui guettez, assoiffés, la moindre de mes apparitions, de mes interventions. Fanatiques, vous vous gaussez quand je croise vos regards lubriques… Et vous criez de douleur quand je me montre amoureuse, enlaçée dans les bras d’un autre que vous. . Une nuit avec moi et vous seriez Elu au rang de star : quand on flirte avec le Diable, ça passe rarement inaperçu… Et votre haine grandit envers celui que j’ai choisi, à qui j’ai accordé ce privilège. Qui est cet apôtre qui a trouvé grâce à mes yeux et auquel j’ai livré un soupçon de confiance ? Cet être envié de tous qui me voit dès qu’il ouvre les yeux, avant même le Jour, qui respire ma présence à chaque seconde, qui partage mes plus sombres désirs, avant que je ne le vide et le jette comme les autres.

Car ma finalité n’est autre que de vous détruire. Elevée au rang de modèle, vous glorifiez et reproduisez mes actes les plus destructeurs. Quand je me gorge de cocaine et de délires, vous faîtes de même, mais dans une totale absolution, vivant vos sensations dans le seul but de connaître ce que moi, j’ai pu ressentir. Et dans l’overdose de vos dernières convulsions, c’est à moi que vous pensez, et dans votre corps rongé, quand dans un dernier souffle votre âme se libère, alors seulement vous me haïssez.

Quand je descends vous voir, vous vous entretuez pour pénétrer mon antre, laissant éclater une violence inouie qui n’a d’égal que votre mal-être et la petitesse de vos vies. Un geste de ma part et je choisis les esclaves de mes nuits. Et vous vous pliez à mes moindres désirs à vous en rendre ridicules, n’agissant que dans mon sens. Vous vénérez ma présence et mes orgies, parenthèse cinglante dans votre vie monacale, et quand revient le jour et que je vous libère, vous ne vous remettez jamais de ces entrevues fatales. La folie a pris tout son sens, et vous, vous y avez pris goût…

Vous ne pouvez échapper à mon emprise, c’est vous qui m’avez créée.
Mon visage vous croise sur les murs du monde entier, ma musique est diffusée en boucle, mon corps et mon âme se dévoile dans tous les magazines, je suis devenu l’essence même de votre raison d’être…

Bientôt, je ferai encore mieux pour vous épater. Je me donnerai la mort au plus haut de ma carrière, ne laissant aucunes explications à ce geste désespéré. Ma lumière laissera place au néant, l’Apocalypse naissant aux confins de vos âmes désorientées, vous arrachant des cris de révolte et de désespoir…

Vous n’assisterez jamais à ma Résurrection.

Et l’obscurité fut et rêgna en maître pour des siècles et des siècles sur une Terre athée et de nouveau solitaire.

Il ne faut jamais accorder trop d’importances à ses convictions intimes.

Mais encore moins à celles des autres.

L’essence même de notre existence ne tient à aucune Vérité.