Prose:La Clinique Du Bonheur

Il dormait. L ’infirmière l’a réveillé. Un regard hagard, puis le visage s’est éclairé. Les mots bataillaient pour sortir, laborieux, hachés, bien plus lents que la pensée. Il n’a pu saisir ni le verre d’eau, ni le portable où s’amoncellent les appels manqués, il fixe le papier du chocolat que ses doigts peinent à garder.
Le faire manger, ? « Sil ne veut pas, on ne va pas le forcer ! » Qu’il n’en soit pas capable, personne ne s’est soucié, le plateau du repas reste immaculé. Pourtant au début, il mangeait avec appétit. Faute de soins, son état s’est altéré, entre deux portes, une seule visite du médecin. Ici un « patient » n’a jamais si bien porté son nom. Voir un kiné ? Il est trop anémié. L’emmener au fauteuil ? Mon œil ! Trop fatigant, pas de personnel, ici on n’est pas chez l’abbé Pierre la rentabilité est la raison première.
Pourtant il a un avenir. Ses souvenirs de diplomate à continuer d’écrire. Les poèmes « improvisés » déclamés devant Saddam Hussein, avec les fusils dans le dos, la corruption généralisée au Turkmenistan, tel responsable en poste s’indigne est traité d’espion, la France doit l’extrader avant l’exécution. . Tant de secrets à révéler ! Le quotidien c’est le passage des aides soignantes, bienveillantes mais muselées, elles doivent compter leur temps, limiter leurs gestes, économiser est la priorité. Le patron de ces cliniques et Ehpads est convoqué suite aux révélations d’un livre « les fossoyeurs » qui signale des manquements qui mèneraient des résidents lentement mais sûrement vers leurs enterrements. Est ce exagéré ? Est-il trop tard pour cet ami de sauver sa vie ? l’argent bouffe notre société. Pour suivre les convois funèbres, bientôt des pleureuses il faudra payer. .