Texte:Une Vie

Un jour, il s’aperçut qu’il était vieux.

Et alors ?

Avec stupeur il considéra sa vaste carrière.

Il se remémora les vallons de son enfance, puis ses premiers balbutiements, le soutien de la main paternelle, les sollicitudes, les sourires et les larmes maternelles.

Il rêvassa à des seins palpitants, aux soupirs de son cœur
.
Il évoqua les doux frémissements de son âme dans l’air embaumé des soirs d’été, les feuillages d’atourneuses sauvages et écervelées, puis d’étonnants voyages en des contrées voluptueuses.

Vint l’exil d’un olivier en pleurs, d’épis orphelins, puis le destin perdu au loin.
Il songea à son aliénation, à son d’identité de métèque.

Et alors ?

Alors, il se souvint de victoires et de déserts, de silences et de colères, de songes glorieux, d’envols enivrants et de baudruches à vanités, de sentiers escarpés, d’ambitions trahies, de passions inassouvies, d’âmes fanées.

Puis de doutes et d’afflictions, de retraites secrètes, de chimères perdues, de nuits de défaites.

Et alors ?

Alors, il se souvint de son premier cheveu blanc, de l’irruption d’un ventre bedonnant, des transformations d’un corps jadis triomphant, désormais avachi, fourbu, vaincu par mille adversités.

Une vie sans pitié, une vie de besognes et d’amères fatigues, de sommeils perturbés.

Il s’en souvint.

Alors, Á l’aube de ce jour gris, il balbutia un dernier adieu.